C'est donc par voie de presse, lors d'une conférence de 3h30 le 12 mars, que Nikol Pashinyan a annoncé accéder aux exigences expresses de la partie azerbaïdjanaiss sur le retour sous son contrôle de quatre villages du Tavush.
Par Olivier Merlet
« Au cours de toutes les discussions, il n'a jamais été et ne peut pas être question de céder un quelconque village du marz de Tavush », affirme résolument le Premier ministre, regardant d'un certain œil une plaque dorée qu'il exhibe, aux contours de l'Arménie et dont on se demande ce qu'il lui veut. Il ajoute aussitôt, tout aussi fermement : « Des noms de villages mentionnés dans la presse azerbaïdjanaise, il n'y en a jamais eu portant de tels noms sur le territoire arménien, jamais ».
Cinq jours plus tôt, le 7 mars, Shahin Musatfayev, le vice-premier ministre azerbaïdjanais exigeait la restitution immédiate de Baganis Ayr, Aşagi Eskipara (Nerkin Voskepar, NDLR) , Heyrimli et Kizilhacili, les quatre villages en question, pauvre reliquat de moins de 3000 hectares restés du côté arménien de la ligne de contact depuis les années 1990.
En accédant publiquement à sa demande, Nikol Pashinyan prive donc l'Arménie de tout pendant à l'occupation de ses propres 32 villages pris par Bakou ces deux dernières années sur d'autres frontières.
« Il y a une question : à partir de quelle étape et par où commencer le processus de délimitation ? Je n'exclus pas que la délimitation puisse commencer à Tavush », se répond à lui-même Nikol Pashinyan, reléguant à plus tard et dans l'ordre qu'il souhaiterait leur donner, les négociations sur le Gegharkunik, le Vayots Dzor et le Syunik, là où justement, les forces armées azerbaïdjanaises, elles, occupent 170 kilomètres carrés de territoire souverain arménien.
Les autorités de Bakou se gardant pour l'instant d'exprimer autre chose que leur satisfaction, on aimerait que les négociateurs arméniens aient reçu, à l'écart des plateaux de télévision, la garantie préalable d'une quelconque contrepartie de la part de leurs interlocuteurs. Gage légitimiste ou de bonne volonté, il reste, en attendant, unilatéral.
« Ce qui se trouve de l'autre côté de la frontière administrative de l'URSS, c'est l'Azerbaïdjan, ce qui se trouve de ce côté, c'est la République d'Arménie. Dans le processus de délimitation, nous devons travailler à reproduire cette frontière ». Cette frontière, dans le Tavush, chevauche a plusieurs reprises l'axe majeur et stratégique qui mène à Tbilissi et plus loin à la Mer Noire, tout comme celle du Syunik coupe et recoupe celui de Goris-Kapan qui mène à l'Iran et au Golfe Persique.
« Au cours du processus de négociation, on a parfois eu l'impression que nous pouvions, en tenant compte de certaines réalités, procéder à certains échanges de territoires dans le sens où, même si la frontière de jure est là, nous devrions apporter des changements en tenant compte des réalités de facto », reconnait le Premier ministre avant d'estimer que « de telles possibilités ne sont pas grandes, peuvent déformer le processus et entraîner des risques supplémentaires. Pour cette raison », poursuit-il, « je pense que dans un avenir proche, nous devrions agir selon la logique suivante : là où nos communications se font en dehors des frontières de jure basées sur ces accords, nous devrions restructurer ces sections afin que toutes les communications de la RA passent par les frontières de jure du territoire de la RA, afin que nous n'ayons pas de problèmes dans cette région ».
Nikol Pashinyan a préféré ne pas s'étendre sur ces restructurations, un autre sujet après tout, mais qui ne relève pourtant pas du simple détail ni surtout de sa seule décision. Hormis la construction, longue et couteuse, de nouvelles voies qui permettront de contourner les montagnes enserrant la route actuelle, le gazoduc qui la longe avant de se diriger sur Erevan et qu'il faudra déplacer est une propriété russe, celle de Gazprom.
« Pour l'instant, nous n'avons pas de décision, mais nous devons gérer tout ce processus selon la logique que j'ai mentionnée ci-dessus. Suite aux avis de nos experts, je suis convaincu qu'il existe une confusion et un problème de réflexion et de perspective. J'ai toujours dit que lorsque le processus de délimitation et de démarcation entrera en vigueur le plus rapidement possible, trois conditions importantes seront assurées en même temps : la base juridique du processus en cours, la solution des problèmes fonctionnels et de sécurité ».