Rencontres théâtrales francophones d’Erevan : coup d’envoi de la 7e édition

Arménie francophone
03.11.2025

Lundi et mardi 3 et 4 novembre, Erevan accueille pour la septième fois les Rencontres théâtrales francophones. A prévoir, deux journées où seront mis en scène, en Arménien, Roumain et bien sûr Français, plusieurs pièces du dramaturge roumain Matéi Visniec, mis à l’honneur cette année. COmmes les années précédentes, Le Courrier d'Erevan est partenaire de ces Rencontres.

 

Par Marius Heinisch 

Un rendez-vous bien établi

Sept ans après leur première itération à Erevan, les Rencontres théâtrales francophones ont désormais pris leurs marques dans la capitale arménienne. C’est que l’Arménie, rappelle M. Eric Poppe, représentant de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pour l’Europe Centrale et Orientale, “est l’un des six Etats membres de l’OIF dans la région, et l’un des seuls à avoir accueilli un sommet de la francophonie sur son sol.” Le théâtre est l’un des moteurs de cette vitalité francophone en Arménie. A titre d’exemple, M. Poppe cite les échanges universitaires annuels entre les facultés arménienne et roumaine d’études théâtrales qui ont lieu… en Français !

Pour autant, bien que leur programmation soit pilotée par l’OIF, les Rencontres émanent avant tout de la scène théâtrale arménienne, et de ses différents acteurs, désormais solidement structurés. L’édition 2025 fait à ce titre travailler de concert l’Atelier d’art dramatique d’Erevan, l’Institut du Théâtre et du Cinéma d’Etat (dont la rectrice, cela aide, est francophone), le Théâtre expérimental universitaire, et même des compagnies hors d’Erevan, notamment à Gyumri. Francophonie oblige, c’est en langue française que sont données la plupart des pièces - mais, si le Français est ainsi mis à l’honneur, c’est comme langue internationale, langue d’échange et de rencontre.

 

Matéi Visniec et le théâtre comme “polyphonie universelle”

Comme beaucoup de jeunes Roumains, Matéi Visniec, que la 7e édition des Rencontres met à l’honneur, a appris le Français en grandissant. Mais c’est en France, où il débarque en 1987, qu’il en a perfectionné la pratique, au point même d’écrire une partie de son œuvre dans cette langue d’adoption. Sans pour autant que sa Roumanie natale n’en disparaisse. Car, en Français ou en Roumain, ses pièces explorent des épisodes, souvent douloureux, de l’Europe centrale. Ainsi de La femme comme champ de bataille, représentée lundi 3 novembre au Théâtre Artistique d’Erevan, où la tragédie bosniaque dans la guerre des Balkans s’incarne par le corps des femmes qu’elle meurtrit. 

Dramaturge, poète, Matéi Visniec a aussi été, un temps, journaliste, notamment radiophonique à Radio France Internationale. Pour y avoir couvert, au jour le jour, les conflits qui ont déchiré les Balkans dans les années 1990, il n’ignore pas le poids des mots, la charge politique qu’ils portent souvent avec eux, les haines qu’ils ont le pouvoir d’attiser. D’où le recours à la forme théâtrale qui offre, dans la démultiplication des points de vue, la confrontation des discours, les façons de parler plurielles, une “polyphonie universelle”. Est-ce que cela suffit, pour affronter les drames ? Matéi Visniec aborde la question avec humilité : “Si mes mots permettent d'arrêter ne serait-ce qu’une seule balle, faire qu’elle ne soit pas tirée, alors cela en aura valu la peine.”

C’est donc sous le titre de Polyphonie que paraîtra à cette occasion la première traduction arménienne de l'œuvre de Matéi Visniec. Les pièces choisies pour intégrer cette édition donnent aux Rencontres Théâtrales Francophones la trame de leur programme, et permettront au lecteur arménien de prolonger l’expérience vécue dans les représentations de la session 2025, qui mettent à l’honneur la vitalité et la diversité de la scène locale. Si la francophonie est bien, comme le souhaite Matéi Visniec, “un espace de démocratie”, les Rencontres Théâtrales Francophones d’Erevan n’y sont certes pas pour rien.