L'indépendance ultramarine française en congrès à Bakou

Région
18.07.2024

Si ce ne sont deux ou trois médias d’Outremer, la presse française métropolitaine semble vouloir ignorer le congrès qui s’est ouvert hier 17 juillet à Bakou et qui se poursuit encore jusque ce soir, celui des colonies françaises…

Par Olivier Merlet

 

Les journaux azerbaïdjanais s'en font bien sûr largement l'écho. L'agence Turan explique ainsi que les participants au congrès discutent « de la coordination des activités pour se libérer du colonialisme français et d’une lutte plus organisée pour l’indépendance ». Azertag, organe officiel s'il en est, affirme que l'évènement « contribuera à sensibiliser la communauté internationale aux nombreux crimes et actions illégales commis dans les colonies par le gouvernement français contre les peuples autochtones propriétaires de ces territoires ».

Plus de 15 partis politiques et indépendantistes y sont représentés, le FLNKS de Nouvelle Calédonie, l'UPLG de Guadeloupe et d'autres mouvements venus de Polynésie, des Caraïbes ou encore de Corse. Si Azertag n'omet encore de préciser que « l’idée de la tenue du Congrès appartient aux partis et mouvements politiques des territoires français d’outre-mer qui luttent pour leur indépendance », son organisation est largement encouragée et soutenue par le Groupe d’Initiative Bakou (BTQ). Il a été créé le 6 juillet 2023 dans la capitale azerbaïdjanaise, dans le cadre d'une réunion du Mouvement des Pays non-alignés, pour lutter spécifiquement contre le colonialisme français. Le BTQ est dirigé par Abbas Abbassov, 14ème fortune d'Azerbaïdjan et ancien vice-Premier ministre d'Heydar Aliyev de 1992 jusqu'au décès de ce dernier en 2003, puis reconduit encore trois ans sous la présidence d'Ilham Aliyev.

Les discussions qui se tiennent depuis hier sont évidemment largement consacrées aux évènements du mois de mai en Nouvelle-Calédonie. Lors de la première journée, Abbas Abbassov a déploré les interpellations « illégales » des membres du mouvement indépendantiste kanak par la police française, ajoutant qu’ils avaient été traités « comme des terroristes et soumis à diverses tortures ». Des mots, dans un pays si réputé pour son respect et sa défense des Droits de l'homme, qui siéraient si bien à la question des ressortissants arméniens du Kharabagh et de leurs représentants légaux enfermés à Bakou mais que l'on n'a pourtant jamais entendus.

Ne manquant toutefois jamais de générosité envers ceux qui lui témoigne de leur sympathie - ou pour les encourager à le faire - Bakou, par la voix du Groupe d’initiative, a également annoncé l’octroi, dès cette année, de bourses d'études à l'intention des jeunes vivant dans les colonies françaises qui leur permettront de venir suivre les cours dispensés dans des établissements d’enseignement supérieur d'Azerbaïdjan. La reconnaissance des diplômes n'a pas été évoquée.

L'Azerbaïdjan, qui reproche à Paris son soutien à l'Arménie, persévère par tous les moyens qu'il peut dans ses tentatives de déstabilisation et ses campagnes de dénigrement.  En avril dernier, l’élue calédonienne du FLNKS, Omayra Naisseline, signait un mémorandum de coopération au nom du Congrès de la Nouvelle-Calédonie avec Sahiba Gafarova, la présidente de la Milli Majlis azerbaïdjanais. Rebelote un mois plus tard, en mai, le parti tahitien "Tavini Huiraatira" (ou "Front de libération de la Polynésie", créé par Oscar Temaru) signait à son tour ce même mémorandum. En pleines émeutes calédoniennes, Gérald Darmanin, le ministre français de l'Intérieur a accusait l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie.