Fête des minorités d’Arménie : plongée dans la culture musicale et gastronomique dans le sud-Caucase

Société
08.10.2025

C’est à Aparan, dans la région d’Aragatsotn (centre), que s’est déroulée, dimanche, la fête des minorités d’Arménie. Réunies autour de leur gastronomie, de leur musique et de leurs chants spécifiques, les festivités de l'après-midi se voulaient festives et unitaires, tout en mettant en valeur les identités propres à chaque région, alors que le pays est dans une phase de développement.

 

Par Elie Guetchrian

Un partage artistique, à travers la danse ou la musique, pour préserver la culture

C’est dans la maison de la culture communale qu’ont été accueillies toutes les communautés minoritaires d’Arménie, qui ont pu faire découvrir leur identité à travers la cuisine et des spectacles folkloriques. Plusieurs personnalités importantes de ces minorités étaient présentes, comme Khedir Hadjoyan, le chef de la communauté yézidie arménienne.

Au total, onze minorités nationales étaient présentes. Chacune a pu se présenter par le biais d'une danse, d'une chanson ou d'un poème. L’ordre de passage était le suivant : juifs, Ukrainiens, Russes, Yézidis, Allemands, Géorgiens, Polonais, Kurdes, Biélorusses, Grecs et Assyriens (ces derniers se sont représentés une seconde fois par le biais d’un groupe de musique). Ces spectacles étaient courts, mais ancrés dans la tradition de chacune des communautés présentes, dont on pouvait parfois observer des influences mutuelles (danses kurdes et arméniennes, chants et costumes des Slaves orientaux, etc.).


 Jeunes danseurs yézidis

Un partage culinaire : quand les saveurs s’entrecroisent

À la fin de cette parenthèse culturelle, encadrée par une présentatrice arménienne, le public a été invité à prendre part au buffet installé dans le hall de la maison de la culture. Les tables, pourvues de mets variés (feuilletés, légumes, viandes et gâteaux), étaient nombreuses. Certains stands proposaient, en plus de leurs spécialités, des produits d'autres pays proches, comme des dolmas syriens. 

Parmi les Arméniens d'origine grecque, il y avait Artyom, 21 ans : « Je suis venu au festival pour présenter notre spectacle, notre culture. Je voulais aussi revoir ma famille, rencontrer de nouveaux amis, découvrir de nouvelles nations et de nouvelles cultures. » Le jeune homme en profite pour nous faire découvrir des plats grecs, comme le spanakopita (une sorte de friand feuilleté aux épinards) et le tiropita (une version au fromage, à la feta). Il nous mentionne également le souvlaki, un plat non présent ici, qui consiste en une brochette de viande préparée au barbecue, rappelant quelque peu le khorovats arménien typique.

Du côté de la table ukrainienne, l’heure est également au partage des saveurs. Alla, âgée de 60 ans, nous présente des varenikis : des pâtes cuites à l'eau salée et fourrées de pommes de terre ou de fromage. « Je suis à moitié arménienne et à moitié ukrainienne. Ma mère vient d'Ukraine, de Vinnitsa. » 

Alla nous explique qu'elle s'investit dans une association, au-delà d'une simple présence individuelle : « J'aide à l'organisation de l'association [Fédération des Ukrainiens d'Arménie, ndlr], notamment pour l'organisation de différentes célébrations traditionnelles et de fêtes nationales. Nous publions chaque année, depuis 1995, des événements à venir sur notre page Facebook en ukrainien. Nous avons même une école de langue professionnelle. Le gouvernement arménien nous soutient financièrement pour que nous puissions continuer à publier. »

 

Un rappel historique des spécificités ethnoculturelles de l'Arménie.

Loin d'être uniquement démonstratif, ce rassemblement rappelait également que, bien que l'Arménie soit un État-nation unitaire et très homogène sur le plan ethnique, elle a toujours abrité des minorités historiques, plus ou moins importantes et provenant de régions plus ou moins éloignées, selon les périodes. 

Les minorités kurdes, géorgiennes, grecques, assyriennes et yézidies sont implantées historiquement en raison de la proximité territoriale de leurs pays d'origine. Les trois dernières ethnies mentionnées sont notamment présentes en Arménie en raison d'événements géopolitiques qui les ont contraintes à l'exil. Les Grecs sont en partie les descendants des Grecs du Pont ou du Caucase. Les Assyriens sont les descendants de ceux qui ont quitté l’actuel territoire turc pour échapper aux génocides perpétrés pendant la Grande Guerre (génocides des Arméniens, des Grecs du Pont et des Assyriens). Quant aux Yézidis, ils ont pu reconstituer une communauté depuis le génocide perpétré par l’État islamique en Irak en 2014, car ils ont trouvé ici une tolérance religieuse pour leur culte.

Les autres minorités non mentionnées ci-dessous sont, en majorité, issues de migrations internes à l’ex-bloc de l’Est et à l’ex-URSS. C'est par ailleurs la minorité russe qui est la plus nombreuse, en raison des liens plus étroits conservés entre la Russie et l'Arménie, même après la chute de l'Union soviétique.

L’Arménie, pays situé à la croisée de l’Orient et de l’Occident, a toujours été une terre d'accueil pour des populations diverses, qu'il s'agisse d'anciens ou de récents arrivants. Malgré les bouleversements géopolitiques, les tendances démographiques et sociales qui ont poussé à leur déclin, les minorités d’Arménie se maintiennent. Et ce, grâce à leur attachement à leur identité propre, tout en étant pleinement intégrées dans la société qui les accueille.