La huitième édition du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France s’est tenue à Paris le 8 février au soir dans les salons de l’hôtel du Collectionneur, en l'absence d'Emmanuel Macron, retenu en Allemagne dans le cadre des négociations sur la crise ukrainienne.
Par Olivier Merlet - Crédit photo : "Les Nouvelles d'Arménie"
Annulé l'an dernier en raison de la crise sanitaire, cette soirée annuelle du CCAF, celle des Arméniens de France, était aussi la première depuis la guerre des 44 jours de l'automne 2020. En la circonstance, le rendez-vous était avant tout politique, à double titre d'ailleurs, moins de deux mois avant le premier tour des élections présidentielles françaises.
Comme toujours, la plupart des personnalités marquantes de la communauté, issues de la culture, des médias, de l'humanitaire ou des affaires, étaient présentes. Celles du monde politique français, sympathisantes de la cause arménienne avaient répondu à leur invitation, Gérard Larcher en tête, président du Sénat et second personnage de l'État français. Anne Louyot, ambassadrice de France en Arménie avait également effectué le déplacement depuis Erevan. Ministres, secrétaires d'état et parlementaires, présidents de régions, maires, préfets et élus locaux, représentants des cultes, la liste des convives était longue et pour le moins prestigieuse.
Deux de ces invités ont cependant focalisé tous les regards. Pour Anne Hidalgo, maire de Paris et Valérie Pécresse, présidente de la région Ile de France, toutes deux assises à la même table d'honneur, ce diner du CCAF marquait incontestablement une étape importante sur la route à la présidentielle des deux candidates concurrentes, 600 000 français d'origine arménienne (au moins), ça compte.
Les deux candidates ont successivement pris la parole, rappelant pour la Maire de Paris, son attachement aux valeurs de liberté et de démocratie que représentait la petite république du Caucase, « poste avancé des Lumières [et] de la démocratie, une sentinelle de nos valeurs dans un environnement qui les remet parfois en cause avec violence. »Valérie Pécresse, véritable star de la soirée après son voyage à Erevan et dans le Haut-Karabakh peu avant Noel, promettait, si elle était élue « d'avoir à cœur de renforcer nos coopérations culturelles, universitaires et économiques, mais je proposerai également de lancer des programmes de formation militaires et des forces de sécurité arméniennes. » Elle terminait sur ce message : « nous livrons ensemble un combat pour la tolérance, pour la souveraineté, pour la liberté. Et au-delà des mots, c’est par des actes que nous devons le mener ».
Alexis Govcyian, ancien président du "Comité du 24 Avril" qui allait devenir le CCAF, Ara Toranian et Mourad Papazian ses deux co-présidents se sont ensuite succédés au pupitre. Ara Toranian, saluant les prises de position d'Emmanuel Macron pendant la guerre faisait remarquer que si « le silence tue, la non-ingérence aussi, parfois. Nous aurions besoin de voir un peu de bleu blanc rouge, quelque part, près de la frontière du Syunik ». Il réclamait une nouvelle fois la saisine du Conseil de sécurité des Nations-Unies « pour internationaliser la question et garantir l’existence de ce qu’il reste de ce peuple et de cette nation en danger ».
Mourad Papazian quant à lui s'est dit « choqué et indigné, que les Arméniens aient été totalement abandonnés » déplorant à propos d'un nouvel accord conclu avec l’Union Européenne sur la fourniture de gaz par l’Azerbaïdjan « que dans le monde d’aujourd’hui, c’est le gaz, le pétrole et l’eau qui dictent la politique étrangère et de défense de certains états. […] Nous ne croyons plus aux négociations avec l’Azerbaïdjan, aux sommets diplomatiques de Bruxelles ou de Paris. En 2022, le temps n’est plus aux paroles mais aux actes ! ».
Absent de marque de ce diner qu'il n'avait jamais manqué depuis son élection en 2017, le président français Emmanuel Macron était retenu à Berlin pour des entretiens avec le chancelier allemand Olaf Scholz à propos du dossier ukrainien . Il avait dépêché en urgence son premier ministre, Jean Castex. Ce dernier, dans un brillant discours très remarqué de près de 25 minutes a non seulement défendu le bilan arménien d'un président bientôt candidat mais est longuement revenu sur la feuille de route de coopération économique signée 9 décembre entre la France et l’Arménie. Nous publions dans un article séparé l'intégralité de l'intervention du premier ministre français. Visiblement très averti des réalités du terrain, il a par ailleurs annoncé la tenue d'un grand forum sur les coopérations avec les sociétés civiles arméniennes dans les toutes prochaines semaines, à l’occasion du 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et l’Arménie. Il a enfin salué « la jeunesse d’Arménie qui, comme la jeunesse de France, ne renonce jamais, veut prendre et va prendre son destin en main et qui peut plus que jamais compter sur la France ».