International Print Biennale : le coeur de la gravure à Erevan

Արվեստ և մշակույթ
25.11.2025

Certains évènements répondent à une demande, d’autres la créent. Face à l’absence de la gravure comme art en Arménie, Sona Harutyunyan, avec KulturDialog Armenien, a lancé le festival de gravure international, unique dans le Caucase. Chaque année, les candidatures se comptent en milliers, en provenance du monde entier. Le festival a lancé une dynamique de démocratisation de cette pratique dans le pays, et les locaux viennent grossir les rangs de la compétition internationale. Pour le Jubilé de la Cinquième Biennale internationale de gravure, Anaïs Charras, artiste française, a remporté le Grand Prix. A découvrir avant leur cérémonie de clôture, le 5 décembre prochain, au HayArt Center.

 

Par Camille Ramecourt (crédit photos HayArt et  International Print Biennale)

 

Donner de la visibilité à l’Arménie, son art et ses artistes

D’autres auraient pu acter l’impopularité de la gravure en Arménie, mais pas Sona. L’historienne de l’art, passée par le Musée d’Art Moderne d’Erevan et le Ministère de la Culture, a fondé sa propre organisation culturelle en 2012, sous le nom de KulturDialog Armenien. Son but est de diffuser l’art contemporain d’Arménie dans le pays et à l’étranger.

 

 

Deux des premiers artistes invités par le projet furent Arman Vahanyan et Tigran Sahakyan. Arman a fait part de son rêve d’avoir un festival de gravure en Arménie à Sona, qui l’a pris au mot et lui a demandé s’il avait les épaules pour l’organiser. C’est ainsi qu’en 2017, la première Biennale eut lieu à “HayArt”, centre d’art contemporain, dont Sona est désormais directrice. 

“KulturDialog est la seule organisation ayant lancé un projet de telle envergure dans les Beaux-Arts. Surtout en 2017, lorsqu’il n’y avait ce type de projet ni en Arménie, ni dans la région” indique Sona. 

Alors, pourquoi se lancer dans un projet si grand ? Pour être fidèle à l’objectif de KulturDialog Armenien : mettre en lumière l’Arménie et ses artistes. 

Cela passe par l’introduction d’un art manquant dans l’écosystème artistique arménien, et faire en sorte que l’audience internationale s’intéresse au pays et ses artistes. Cette relation est réciproque, les artistes arméniens y trouvant une plateforme à résonance mondiale, et des artistes internationaux pouvant faire découvrir et récompenser leur travail dans un concours qui dépasse les frontières du Caucase.

“Nous voulons que les Arméniens puissent faire partie de quelque chose d’international” dit l’équipe organisatrice.

Et, en attendant de créer des festivals internationaux pour les autres arts arméniens, KulturDialog utilise la plateforme de la Biennale pour mettre en lumière d’autres domaines artistiques. Arts graphiques avec Sargis Antonian, architecture avec SNHK studio et sculpture. C’est le sculpteur Hayk Symonyan qui crée le trophée de chaque édition, connectant ainsi les arts.

 

 

L’idée initiale du festival était de changer de lieu d’exposition à chaque édition, ce qui présentait l’attrait d’un travail de réflexion pour renouveler la façon dont les œuvres étaient exposées. Cependant, jusqu’à maintenant, les Biennales furent limitées à Erevan, en raison d’infrastructures ne répondant pas aux besoins des expositions. La volonté reste la même, et au-delà d’Erevan, la Biennale prévoit de faire également rayonner les territoires arméniens, Syunik en tête de ligne.

 

Un pari d’envergure qui prend, à l’international et en Arménie

L’annonce de l’ouverture de la première Biennale en 2017 a trouvé son public. Plus de 3000 œuvres furent soumises, de 73 pays différents, au jugement du jury, lui aussi international. Celui-ci est décidé en amont de chaque édition, avec un focus géographique (pays européens en 2017, puis Europe et Etats-Unis en 2019, Asie en 2021,Europe et Iran en 2023, et Scandinavie en 2025), impliquant les ambassades concernées dans le processus. 

De cette première édition, de nombreux artistes ont découvert l’Arménie, et sont devenus des habitués de la Biennale, y participant chaque fois. Les artistes sont invités à visiter l’exposition en plus d’envoyer leurs œuvres, participer aux conférences et ateliers, et créer de nouveaux liens entre artistes. Ils apportent également des nouvelles idées en termes de partenaires, comme le Beirut printmaking Studio, qui expose dans le cadre du Jubilé de la Cinquième Biennale d’Erevan. Et les collaborations fleurissent dans les deux sens : après sa participation à la quatrième biennale (Fourth International Print Biennale, Yerevan 2023), l’artiste Manfred Egger (Autriche) a invité un groupe d’artistes arméniens à venir exposer à ses côtés, pour l’exposition Xylon en Autriche.

 

La Pologne est le pays ayant envoyé le plus grand contingent d’artistes à la Biennale internationale de gravure d’Erevan, témoignage d’un héritage culturel en la matière. Mais un engouement se retrouve désormais en Arménie aussi : 

“Depuis la deuxième édition, les Arméniens représentent la deuxième nationalité la plus représentée. Il n’y avait aucun intérêt au départ, aujourd’hui, les cours de gravure sont courants” se réjouit Sona Harutunyan.

Le programme travaille avec l’Académie des Beaux-Arts, leurs étudiants aidant à l'organisation de l’évènement, et prenant part aux ateliers et conférences, plus nombreux pour le Jubilé. 5 ateliers pour apprendre l’art de la gravure, deux expositions et deux milliers de visiteurs.

 


Atelier de lithographie de Marcel Meyer

 

Le volet éducatif est un moteur du développement du projet incarné par The International Printmaking Symposium (le Symposium International de gravure). Lancé en 2023, la France s’est retrouvée dans les intervenants du Premier Symposium, par la présence de Jean-Pierre Tanguy. Celui-ci est l’homologue de Sona, pour la Biennale de gravure de Sarcelles, et a tant apprécié le travail des artistes arméniens qu’il a souhaité qu’ils y soient représentés. C’était la première fois que l’Arménie prenait part à ce concours. En retour, Sona a tenu à ce que l’Arménie bénéficie de la première exposition de l’artiste français, ce qui a pu se réaliser avec l’Institut Français. 

 


Sona Harutyunyan, Milena Yeghiazarian de l’équipe organisatrice, Jean-Pierre Tanguy

 

La connexion Arménie-France créée en 2023 perdure pour le Jubilé de la Cinquième Biennale Internationale de gravure d’Erevan. Jean-Pierre Tanguy étant l’un des 7 membres du Jury, le premier français à occuper cette responsabilité. Mais, dès les premières éditions, la France se retrouvait parmi les pays avec le plus de contributeurs. La position francophone s’est assurée au fil des éditions : mention honorable pour Carole Texier en 2017, troisième prix pour Alexander Todorov, en 2023. Cela jusqu’à remporter le Grand Prix de l’édition 2025. C’est Anaïs Charras, artiste parisienne qui a remporté la première place de la Biennale avec sa gravure Tangage II, exposée jusqu’au 5 décembre au HayArt Center d’Erevan.