
Arman Tsarukyan disputera samedi 22 novembre à l’UFC Qatar son vingt-sixième combat professionnel de Mixed Martial Arts (MMA), sport dans lequel il appartient au plus haut niveau mondial. L’Arménien de 29 ans tentera de vaincre le néo-zélandais Dan Hooker pour se rapprocher d’un combat pour le titre mondial des - 70 kilos. Portrait d’un combattant et d’un Arménien.
Par Marius Heinisch
“Le Bruce Wayne arménien”
D’abord installée en Géorgie, où naît Arman en 1996, la famille Tsarukyan, emmenée par le père, Nairi, émigre en Russie, attirée par la promesse d’y faire de meilleures affaires. Ce qui ne manque pas d’arriver : l’entreprise de construction dirigée par Nairi prospère à Moscou et Arman grandit, avec son frère et sa sœur, dans le confort d’une vie bourgeoise. Il affichait ainsi, sans retenue et bien avant ses succès en MMA, un train de vie fastueux sur les réseaux sociaux, fait de voitures de luxes et de vêtements à griffe. Celui qui se surnomme le “Bruce Wayne arménien”, en référence au millionnaire derrière le masque de Batman, ne cache rien de la richesse de sa famille, jusqu’à inviter des journalistes à filmer son luxueux appartement moscovite.
Crédits : Arman Tsarukyan (Instagram)
Icône d’un sport où se comptent en dizaines les récits d’ascensions sociales par le combat, Arman Tsarukyan assume sans trembler la richesse de sa famille et l’opulence de son quotidien. Une façon de se démarquer, dans un sport-business où les performances dans la cage comptent autant que la mise en récit de soi-même. Mais aussi une façon de rendre hommage à un père, certes fortuné, mais dont Arman préfère retenir le sens de la discipline. Au micro du journaliste Ariel Helwani, il confessait qu’avoir travaillé trois mois dans l'entreprise de son père lui avait fait prendre la mesure de la rudesse du monde des affaires. “C’est un boulot tellement dur… On rentrait le soir à deux heures du matin, pour se lever le lendemain à six heures. Il vaut mieux être dans le sport.”
Sportif, puis combattant
Son adolescence aisée lui permet de s’essayer à différents sports, en particulier le hockey sur glace, qu’il pratique intensément en grandissant, au point d’appartenir un temps à l’équipe junior du Hockey Club Amur.
Mais ses espoirs d’intégrer l’équipe professionnelle s’amenuisant, une autre discipline le rattrape, celle de la lutte, qu’il continuait de pratiquer en parallèle du hockey. Il s’y plonge totalement à 17 ans et celle-ci le mène progressivement dans la galaxie des sports de combat. Car c’est le début des années 2010 en Russie, et une nouvelle discipline, les “Arts Martiaux Mixtes” (Mixed Martial Arts, MMA) pénètre avec fracas dans le monde du sport. Les exploits de plusieurs combattants russes, comme Fedor Emelianenko ou Khabib Nurmagomedov, installent durablement ce nouveau spectacle, où toutes les disciplines martiales sont mélangées et presque tous les coups permis, dans le paysage sportif du pays.
Fedor Emelianenko, icône russe du MMA
Arman Tsarukyan gravit un à un tous les échelons du circuit local russe de MMA, d’abord en amateur puis rapidement en professionnel. A seulement 21 ans, alors qu’il affiche déjà le bilan impressionnant de 10 victoires pour une seule défaite, il remporte la ceinture poids-légers de la Modern Pankration Federation par décision unanime des juges. La Russie semble déjà devenue trop petite pour lui, et moins de deux ans plus tard, l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus puissante ligue de MMA au monde, lui propose un contrat. Le voilà propulsé, à 22 ans, sous les regards du monde entier.
La marche était-elle trop haute ? Pour son premier combat dans l’organisation américaine, Arman Tsarukyan est opposé à un combattant, encore peu connu à l’époque, mais aujourd’hui considéré comme l’un des tous meilleurs de l’histoire du sport : le daghestanais Islam Makhachev. Deux versants, le nord et le sud, des montagnes du Caucase s’affrontent ainsi dans un combat d’une rare technicité. Mais la décision des juges penche logiquement en faveur d’Islam Makhachev, obligeant Arman à emprunter un plus long chemin vers le sommet des classements mondiaux.
Dix combats et neuf victoires plus tard, Arman obtient de l’UFC un nouveau combat contre Islam Makhachev, alors devenu champion des poids-légers, en janvier 2025. Mais une blessure au dos l’oblige à se retirer la veille du combat, et retarde encore sa soif de ceinture.
Un Arménien sans Arménie ?
Arman Tsarukyan est l’un de ces Arméniens dont la vie s’est faite en dehors des frontières de son pays d’origine. Né en 1996 à Akhalkalaki, il passe les toutes premières années de sa vie entouré d’Arméniens, hors d’Arménie. Car la province géorgienne de Djavakhétie où il voit le jour, majoritairement peuplée d’Arméniens, a pourtant été rattachée en 1921 à la Géorgie par le Géorgien Joseph Staline, alors “Commissaire du peuple responsable des nationalités”. Le lien d‘Arman à l’Arménie passe ainsi d’abord par la communauté émigrée, en Géorgie puis en Russie.
Quel lien entretient-il avec l’Arménie, ce pays où il n’a jamais vécu mais duquel il puise son identité ? Comme au sujet de la fortune familiale, Arman joue franc-jeu et ne fait pas mystère de sa situation. “J’ai vécu en Russie toute ma vie, j’ai grandi en Russie et j’ai été à l’école là-bas.” Celui qui a appris le combat dans les salles russes, auprès d’entraîneurs et de partenaires russes, qui a fourbi ses armes sur le circuit local russe, sait ce qu’il doit à ce pays. “Je suis un combattant russe”, déclare-t-il au site Alphanews. “Mais je représente l’Arménie. Je veux que les gens sachent qu’il existe un pays comme l’Arménie.”
Le drapeau arménien dont se drape celui qui a choisi “Akhalkalakets” comme surnom de combattant après chacune de ses victoires est là pour rappeler que l’Arménie déborde de beaucoup ses propres frontières.
Islam Makhachev, vainqueur aux points contre Arman Tsarukyan
Dix combats et neuf victoires plus tard, Arman obtient de l’UFC un nouveau combat contre Islam Makhachev, alors devenu champion des poids-légers, en janvier 2025. Mais une blessure au dos l’oblige à se retirer la veille du combat, et retarde encore sa soif de ceinture.









