Ce dimanche 19 mai, la présidente de la Géorgie a demandé à son homologue français, Emmanuel Macron, de venir à Tbilissi pour l'aider à sortir son pays de l’influence russe. Au cœur d’une crise politique provoquée par l’adoption de la loi sur l’"influence étrangère", sur fond de protestations massives, Salomé Zourabichvili lance la campagne du camp européen pour les élections législatives de cet automne.
Par Théotime Coutaud
Une demande symbolique ?
Adoptée mardi 14 mai par le Parlement, la loi sur l’"influence étrangère" est dénoncée par ses détracteurs qui y voient un rapprochement avec la Russie, contraire aux aspirations géorgiennes, confortées par l’obtention du statut de candidat à l’Union européenne (UE) en décembre dernier. En conflit ouvert avec le Rêve géorgien, le parti au pouvoir depuis 2012 sous l’étiquette duquel elle a été élue présidente en 2018, l’ancienne diplomate française a demandé à Emmanuel Macron et à ses homologues européens de se rendre à Tbilissi. Le lendemain, dans un message sur Facebook co-signé avec le chancelier allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron a estimé que la loi sur « l'influence étrangère [va] à l'encontre [des] valeurs européennes ».
Rappelant que le président français lui a promis une visite depuis son élection en 2018, Salomé Zourabichvili a déclaré « [l’attendre] le jour de l’indépendance de la Géorgie, le 26 mai ». À l’heure actuelle, il demeure peu probable que le chef d’État accède à sa demande. Sa visite constituerait néanmoins un véritable évènement tant le pari semble risqué, et pour lui-même, et pour la Géorgie pro-européenne.
Des manifestations aux élections
Depuis le début des manifestations contre ladite « loi russe », la Présidente multiplie les prises de parole, portant « la voix de cette société qui dit non à cette loi ». Plus largement, elle incarne désormais ses espoirs d'intégration euro-atlantique. En parallèle de son entretien avec La Tribune Dimanche, la présidente a opposé un veto à la loi, symbolique puisque le parti au pouvoir dispose d’une majorité suffisante au Parlement pour passer outre.
Cette nouvelle posture médiatique, illustrée par cette demande informelle à Macron, est aussi une façon de contourner les limites de ses pouvoirs politiques, essentiellement honorifiques. « La loi va être adoptée [...]. On ne peut pas continuer à manifester. Prenons acte et passons à la phase suivante. Dans une démocratie, c'est dans les urnes que l’avenir doit se décider ». La présidente appelle donc son homologue à se rendre dans la capitale géorgienne en vue du début de la campagne électorale des législatives d’octobre prochain.
Un Caucase "désoviétisé" ?
« Ce n'est pas seulement la Géorgie dont il est question, il s'agit de sortir définitivement le Caucase des mentalités du joug soviétique et de l'influence russe » a déclaré Salomé Zourabichvili. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les trois pays qui composent la région, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sont en effet en proie à différentes mutations qui menacent sa fragile stabilité. Erevan suit ainsi de près la situation à Tbilissi. Le gouvernement arménien a entamé son rapprochement avec l’Union européenne tandis que ses relations avec la Russie se sont tendues, principalement en raison de la pression constante du pays voisin, l’Azerbaïdjan. Malgré ces dynamiques, le chemin est encore long avant que le Caucase ne sorte de l’influence russe. La venue du président français pourrait y contribuer mais à quels prix ?