Ce vendredi, 70 des camions de fret arméniens interdits de passage en Russie et bloqués au poste frontalier de Lars depuis plusieurs jours sont rentrés en Arménie.
Par Olivier Merlet
Un député du parti d'opposition Hayastan, Garnik Danielyan, tirant ses sources de l'attaché des douanes d'Arménie à Verin Lars, le poste frontière géorgien avec la Russie, a affirmé ce 1er décembre que 70 camions arméniens chargés de divers produits périssables à destination de la Russie avaient fait demi-tour pour rentrer en Arménie. Plusieurs dizaines d'autres seraient toujours en attente du contrôle de leur marchandise par les services sanitaires russes.
Depuis le début de la semaine en effet, les départements territoriaux de Rosselkhoznadzor, le service fédéral russe de Surveillance vétérinaire et phytosanitaire, aurait constaté une soudaine prolifération de bactéries et de parasites sur les produits agricoles exportés de l'Arménie vers la Russie. Poisson, fleurs, fruits et légumes, tout y passe. Ou plutôt, plus rien ne passe.
« En 2023, les services ont relevé 72 cas de détection d'organismes sujets à quarantaine dans les fleurs, les fruits et les légumes reçus de la République d'Arménie. Une forte augmentation des violations a été enregistrée en novembre avec, du 24 au 26 novembre seulement, 36 cas d'importation en Russie de fleurs, concombres, fruits secs, raisins, chou-fleur, tomates, poivrons, aubergines, pommes, poires contaminés, accompagnés de certificats phytosanitaires délivrés par l'Autorité d'inspection de la sécurité alimentaire de la République d'Arménie ». Le communiqué est sévère : pyrale de la pomme de l'Est (Grapholita molesta), virus de la mosaïque du pepino, sur les tomates, Frankliniella occidentalis sur les fruits (un insecte ravageur venu d'Amérique du Nord), et encore d'autres noms effrayants, sans compter « des traces résiduels de pesticides sur les fraises, les pommes et raisins reçus d'Arménie ».
Le rapport officiel ne se contente pas de constater mais commente : « ceci pourrait indiquer une violation par les producteurs de la réglementation sur l'utilisation des pesticides et une diminution du contrôle de la part de l'Autorité arménienne d'inspection de la sécurité alimentaire et constitue une menace pour le bien-être phytosanitaire de la Russie ».
Rosselkhoznadzor précise encore avoir informé l'agence arménienne compétente de toutes ces violations, sans avoir reçu de réponse. « Dans le même temps, le contrôle phytosanitaire à la frontière est effectué comme d'habitude ; les règles d'inspection et de dédouanement des marchandises en provenance d'Arménie n'ont pas changé », conclut la plainte, défendant la toute bonne foi des autorités administratives russes.
L'affaire est cependant loin d'être risible. Ses conséquences chiffrées n'ont pas été annoncées mais seront sans aucun doute très lourdes pour les producteurs et les sociétés exportatrices arméniens concernés. Le 29 novembre, Vaghan Kerobyan, le ministre de l'Économie, disait avoir convoqué d'urgence une consultation au sein de l'Union économique eurasienne (EAEU) sur la question des exportations arméniennes vers la Russie. Elle devrait avoir lieu en tout début de semaine prochaine. La SATM, l'organisme d'Inspection de la sécurité alimentaire d'Arménie, a déclaré de son côté mettre en œuvre des mesures de contrôle pour tous les cas mentionnés dans la déclaration russe « dans l'attente d'une coopération cohérente et impartiale de la part du Service fédéral de contrôle vétérinaire et phytosanitaire de la Fédération Russe ».
C’est avant tout une motivation politique que de nombreux médias retiennent de ce soudain resserrement des contrôles douaniers russes. Des sanctions indirectes et non dites comme Moscou en cultive la tradition. Début octobre déjà, des préoccupations de même nature avaient été évoquées suite à la station forcée, plusieurs jours durant au poste frontière de Lars, de cargaisons de brandy en provenance d’Arménie. La réponse du Kremlin aux critiques répétées mais légitimes du gouvernement arménien à l'égard de la passivité complice des forces russes au Karabagh, disait-on. Le refus de Nikol Pashinyan de participer au sommet de l'OTSC la semaine dernière et de n'y envoyer aucun représentant arménien pourrait fort en etre la caue cette fois-ci.
« Je n'exclus pas qu'il puisse y avoir un motif politique, mais ne vous précipitez pas et ne tirez pas de telles conclusions », déclarait hier le président de l'Assemblée nationale, Alen Simonyan.