Les audiences publiques de la Cour internationale de justice des Nations Unies de La Haye se sont poursuivies le 31 janvier par l'étude, cette fois, de la plainte de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie.
Par Olivier Merlet
D'emblée, on ne comprend pas bien : saisie dans le cadre de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, c'est de mines et de déminage dont il a été question à La Haye lors de ce deuxième jour d'audience.
« L'Arménie a déclaré à la Cour le 7 décembre 2021 qu'elle "ne posait pas de mines terrestres sur le territoire de la République d'Azerbaïdjan ", ce qui est faux.», a lancé Elnur Mammadov, ministre adjoint aux Affaires étrangères et chef de la délégation azerbaïdjanaise à la Cour internationale de justice. Affirmant disposer d'éléments nouveaux à l'appui de ses dires, il a fait état de la découverte de « 2700 nouvelles mines terrestres, fabriquées en Arménie en 2021 dont plus de 1 600 mines posées dans ou près de zones civiles éloignées de la frontière entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie vers lesquelles les Azerbaïdjanais déplacés retournent ».
« Ces engins explosifs constituent une menace de mort et de blessure grave pour les Azerbaïdjanais», a-t-il poursuivi, précisant enfin, pour revenir au cadre juridique de la plainte déposée, que le terme Azerbaïdjanais devait être considéré « en référence au groupe d'origine ethnique, et non par rapport à sa nationalité ou à sa citoyenneté».
Les mesures conservatoires réclamées exigent de l'Arménie la communication des emplacements et de toute information permettant d'entreprendre le déminage des zones supposées piégées par l'Azerbaïdjan et de s'abstenir de l'utilisation de ce genre de matériel. Une revendication de Bakou devenue un véritable marronnier depuis la fin de la guerre et à laquelle Erevan a plusieurs fois répondu, l'Azerbaïdjan, désormais, justifiant ainsi son blocus du corridor de Latchin, désigné comme la voie d'approvisionnement du Karabakh en mines terrestres de fabrication arménienne.
Reprenant les déclarations passées d'Ararat Mirzoyan et d'autre officiels du gouvernement arménien, Yeghishe Kirakosyan, le représentant de la partie arménienne au procès, a confirmé devant la Cour que « l'Arménie avait posé des mines sur son propre territoire souverain à des fins purement défensives, à la lumière des actes d'agression répétés de l'Azerbaïdjan dont l'appétit pour le territoire et les concessions qu'il cherche à obtenir des Arméniens se sont accrus quotidiennement ». Il a de même catégoriquement démenti les allégations azerbaïdjanaises, improbables d'ailleurs au vu des positions occupées sur le terrain par les forces armées respectives. « L'Arménie ne pose pas de mines en dehors de son territoire souverain, et encore moins dans des zones civiles dans une tentative contre-intuitive et invraisemblable de cibler des civils azerbaïdjanais sur la base de la race ».
Pour Yeghishe Kirakosyan, le chef de la délégation arménienne au procès, la ficelle était grosse. Les actions en justice intentées par l'Azerbaïdjan s'apparentent pour lui à une tactique qu'il qualifie de « miroir », consistant à opposer à Erevan une contre plainte systématique à chacun de ses recours devant les tribunaux internationaux. Yeghishe Kirakosyan a invité la Cour à « considérer la demande de l'Azerbaïdjan pour ce qu'elle est vraiment : une nouvelle tentative transparente de détourner l'attention de ses propres méfaits ».
Comme la veille dans l'affaire opposant l'Arménie à l'Azerbaïdjan, la Cour internationale de justice rendra sa décision « au cours d’une séance publique dont la date sera annoncée en temps voulu».