Le premier ministre Nikol Pashinyan a quitté Erevan dans la soirée d'hier pour se rendre à Bruxelles où il devrait rencontrer ce mercredi 6 avril le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Organisé sous la médiation de Charles Michel, président du Conseil de l'Europe, l'entretien des deux chefs d'État est attendu comme un rendez-vous décisif sur le devenir de la République autoproclamée du Karabagh et des relations arméno-azéries.
Par Olivier Merlet
Les échanges diplomatiques intenses qui avaient démarré la semaine dernière d'Erevan à Bakou, de Moscou à Istanbul se sont poursuivis jusqu’à la dernière minute et ce coup de fil, hier après-midi, du premier ministre au secrétaire d'État américain Anthony Blinken. À son arrivée à Bruxelles, Nikol Pashinyan devrait s'entretenir en privé avec le président du Conseil européen Charles Michel avant d'engager réellement les discussions avec le président azerbaidjanais.
L'ouverture des pourparlers en vue de l'établissement d'une paix globale entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan devrait débuter sur la base de la "proposition en cinq points" émise par la partie azerbaidjanaise pour la normalisation des relations entre les deux pays. Toutefois, la réunion tripartite de Bruxelles, attendue comme cruciale, se déroulera dans une atmosphère extrêmement tendue au Karabakh depuis ces dernières semaines․ L'armée azerbaïdjanaise, violant les accords de cessez-le feu, a récemment mené une incursion et continue de stationner en zone sous contrôle des forces d'interposition russes, faisant trois victimes du côté arménien. Elle n'a de cesse par ailleurs de maintenir la population civile arménienne sous forte pression psychologique, lui intimant instamment de quitter le territoire. Pour Bakou, qui a bien fait comprendre qu’elle ne souhaitait pas que l’ancienne région autonome puisse bénéficier d’un quelconque statut d’autonomie politique ou culturelle, la question du statut du Karabakh ne se pose pas, alors qu'Erevan entend en faire une question de principe et de soumettre les négociations de paix a la médiation du groupe de Minsk.
L'ancien président de la République Serge Sarkissian, qui participait hier soir à Erevan à une manifestation réunissant plusieurs milliers de personnes place de la Liberté, a déclaré à propos de la réunion de Bruxelles qu'il ignorait tout d'éventuels accords passés entre les deux parties en préalable à ce sommet et qu'il « ne pense pas qu'ils réussiront à faire de l'Artsakh une partie de l'Azerbaïdjan ou à faire de l'Arménie un pays qui implore toujours la paix. »
A Stepanakert, dans le même temps, le parlement d'Artsakh réuni en séance extraordinaire réaffirmait solennellement son droit à l'autodétermination et, dans une déclaration commune à la quasi-unanimité des députés appelait à l'union nationale arménienne : « Dans les conditions actuelles, la consolidation des obligations de la République d'Arménie de garantir la sécurité de l'Artsakh, la création d'une atmosphère d'unité pan-arménienne ne peuvent que créer des conditions suffisantes pour assurer l'avenir du peuple arménien dans la Mère Patrie. […] La clé de l'existence de l'État arménien et de la sécurité du peuple arménien se trouve en Artsakh. »
N.B.
La proposition en cinq points :
- Reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'inviolabilité des frontières internationales et de l'indépendance politique des deux parties,
- Confirmation mutuelle de l'absence de revendications territoriales des États l'un envers l'autre et l'obligation légale de ne pas déposer de telles revendications à l'avenir,
- Absence de menace sécuritaire mutuelle dans les relations interétatiques, de recours à la menace et à la force contre l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des parties, ainsi que d'autres facteurs incompatibles avec les objectifs de la Charte des Nations unies,
- Délimitation et démarcation de la frontière des états, établissement de relations diplomatiques,
- Ouverture des transports et des communications, établissement d'autres communications pertinentes et coopération dans d'autres domaines d'intérêt commun.