Margarita Garamyan, responsable de l'ONG "Retour à Dizak", rebondit sur les récents propos du ministre iranien par intérim des Affaires étrangères, Ali Bagheri Kan, qui a exprimé l'opposition formelle de Téhéran à tout changement des frontières de la région, mais aussi de ses équilibres démographiques.
Dans une interview à l'antenne turque de CNN, Ali Bagheri Kan, le ministre iranien des Affaires étrangères par intérim, a réaffirmé le soutien de Téhéran à la normalisation des relations entre Erevan et Bakou et à toute initiative qui contribuerait au développement de la région. Le dignitaire iranien rejetait par contre catégoriquement et une fois de plus, toute idée de modification des frontières et l'« inadmissibilité » du projet de "Corridor de Zangezur" tel que le conçoit l'Azerbaïdjan.
Il a d'ailleurs introduit à ce propos un nouvel élément de langage, faisant référence à la « situation démographique de la région » qui ne devait souffrir « d'aucun changement ». Une allusion claire aux velléités de Bakou qui exige le retour en Arménie des Azerbaïdjanais qui y demeuraient à la période soviétique, avant le premier conflit du Kharabagh.
Margarita Garamyan, fondatrice de l'ONG "Retour à Dizak", de l'ancien nom du mélikat d'Hadrut dont elle est originaire, vétéran de la première guerre du Karabagh et réfugiée d'Artsakh publie régulièrement des pqpiers d'opinion dans la presse arménienne. Sa dernière tribune est parue le 10 juin au "Step1.am", journal en ligne, sous le titre " « L'Arménie devrait utiliser la déclaration de l'Iran : le changement démographique est inacceptable ».
Margarita Garamyan :
« La partie iranienne soutient toutes les initiatives qui contribueront au développement de la région, en particulier la régulation des relations arméno-azerbaïdjanaises. Téhéran, cependant, est contre tout projet et initiative qui modifierait la démographie de la région et les frontières de la région », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères par intérim, Ali Bagheri Kani, dans une interview avec CNN Turk, répondant à la question sur le soi-disant "Couloir de Zangezur".
La question du "Corridor de Zangezur", n'est pas nouvelle, elle a commencé à être discuté immédiatement après la guerre de 2020, lorsque les régions de Hadrut, Shushi, Karvachar et Kashatagh ont été cédées à l'Azerbaïdjan.
À cette époque, il était déjà clair qu'avec une telle conclusion de cette première phase de la guerre, les parties intéressées (en particulier la Russie et la Turquie) cherchaient à rétablir la liaison ferroviaire Horadiz-Yerask, qui fonctionnait pendant les années soviétiques.
Cependant, de nombreux problèmes sont apparus. Premièrement, l’Iran n’a pas restauré le tronçon de route Julfa-Astara depuis plus de 30 ans. Deuxièmement, lors de la construction du barrage de la centrale hydroélectrique sur la rivière Araxe conjointement avec l'Azerbaïdjan, une partie de la voie ferrée dans la région de Minjevan est restée sous l'eau. En d’autres termes, pour reprendre le fonctionnement du chemin de fer, d’énormes travaux de réhabilitation sont nécessaires.
Comme on le sait, déjà en 2021, l’Iran et la Turquie ont mis en pratique la thèse selon laquelle l’Azerbaïdjan pourrait établir des contacts avec le Nakhitchevan via le territoire iranien. Mais le thème du "Corridor de Zangezur" ne perd pas de son actualité, et l'Azerbaïdjan annonce régulièrement sa volonté de reprendre ce « corridor de transport ».
Au cours des trois dernières années et demie, le sujet du retour de 200 à 300 000 Azerbaïdjanais sur le territoire de l'Arménie, que l'organisation terroriste appelle « l'Azerbaïdjan de l'Ouest », a également été abordé. Et la réinstallation de ces "rapatriés" est prévue à Syunik, Vayots Dzor, Gegharkunik.
Tout cela n’est pas une nouveauté, et il est possible que le gouvernement arménien actuel soit soumis à cette pression politique de la triade russo-turque-azerbaïdjanaise.
La déclaration d'Ali Bagheri Kani soulève des questions sur la "démographie". Pourquoi l'Iran est-il désormais en désaccord avec le déploiement d'Azerbaïdjanais le long du "Corridor de Zangezur" ?
L’Iran n’a-t-il pas compris en 2020 que l’occupation des régions de Hadrut et de Kashatagh conduirait au déploiement des forces armées turques et israéliennes directement à la frontière avec l’Iran ?
L'Iran n'a-t-il pas vraiment supposé qu'en se félicitant de la « restauration de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan », il acceptait de changer la situation démographique de sa frontière ?
Pendant 26 ans, cette frontière a été gardée par des gardes-frontières arméniens, qui ont déclaré que les gardes-frontières iraniens marchaient calmement et gardaient la frontière avec des « poussettes » sportives en « pantoufles » car « de l'autre côté » il n'y avait aucun danger, il y avait des amis. Des Arméniens qui n'ont aucun conflit ni réclamation avec eux.
Pourquoi en 2020, l’Iran a permis aux troupes azerbaïdjanaises, turques et syriennes de pénétrer directement le long de la frontière jusqu’à l’arrière de l’armée d’Artsakh et d’atteindre Hadrut, où les civils qui n’ont pas réussi ou ne voulaient pas partir ont été brutalement tués.
L’Iran n’a-t-il vraiment pas compris qu’après l’occupation, les Azerbaïdjanais (et peut-être des personnes d’autres nationalités) s’installeront dans cette région et que la situation démographique de l’autre côté de la frontière changera ?
Pourquoi l’Iran parle-t-il aujourd’hui de l’inadmissibilité d’une modification de la situation démographique et d’une modification des frontières ? Ou est-ce seulement Syunik qui devient un problème pour l’Iran ?
L'Iran avait probablement déjà compris à ce moment-là que, sous couvert de « restauration de l'intégrité territoriale » et d' « ouverture des communications » , l'Azerbaïdjan poursuivait des objectifs complètement différents, à savoir s'emparer de territoires étrangers, modifier les frontières et la démographie de toute la région.
Alors pourquoi tout à l’heure, après 3,5 ans, l’Iran a réalisé qu’avec les changements de frontières et de démographie, l’Azerbaïdjan acquerrait le statut d’État dominant avec les conséquences qui en résulteraient.
Flirter avec l’Azerbaïdjan terroriste et fasciste au détriment des intérêts et des droits des Arméniens du petit Artsakh coûtera cher, même au grand Iran. Il n’a d’autre choix que de s’accrocher à l’Arménie avec ses dents. Mais l’Arménie devrait également utiliser ce facteur pour renforcer ses positions de négociation avec l’Azerbaïdjan.
Le temps dira dans quelle mesure les autorités arméniennes en sont capables ».