Dans le village d’Aknalich, le 13e anniversaire du premier temple yézidi en Arménie

Société
02.10.2025

A 35 kilomètres à l’ouest d’Erevan, dans la région d’Armavir, le village d’Aknalich s’est animé ce lundi 29 septembre au rythme des prières, des chants et de la musique traditionnelle, dans l’air embrumé d’encens. La communauté yézidie célébrait le 13ᵉ anniversaire du temple Ziarat, inauguré en 2012. Il s’agit du premier sanctuaire yézidi construit en Arménie.

 

Par Béatrice Ramos

Présente sur le sol arménien depuis les années 1830, la communauté yézidie s’était initialement installée pour fuir les persécutions ottomanes et kurdes sunnites. D’autres vagues de réfugiés ont suivi la Première Guerre mondiale et le génocide arménien, faisant de l’Arménie un territoire relativement sûr pour les Yézidis. Le pays leur a rapidement reconnu un statut de minorité nationale avec des droits sur la langue, l’éducation et la pratique religieuse. Contrairement à l’Irak, où la foi yézidie a été persécutée à plusieurs reprises, notamment lors du massacre par Daesh en 2014, l’Arménie offre un climat protecteur et stable.

Le complexe d’Aknalich, financé par Mirza Sloian, homme d’affaires yézidi originaire d’Arménie et installé en Russie, est aujourd’hui le centre spirituel majeur de la diaspora yézidie. Il abrite le temple Ziarat et le temple Quba Mêrê Dîwanê, inauguré en 2019, qui est le plus grand temple yézidi au monde. Le site symbolise à la fois l’enracinement historique des Yézidis en Arménie et la force des liens entre la communauté et le pays. Avec environ 31 079 personnes recensées en 2022, les Yézidis constituent la plus grande minorité ethno-religieuse d’Arménie (source : Minority Rights Group, « Armenia »).

Venus d’Irak, de Russie, d’Allemagne, de villages arméniens, les fidèles sont venus du monde entier pour célébrer ensemble l’anniversaire du majestueux complexe qui est aujourd’hui le centre spirituel majeur de la diaspora yézidie.

Avant même de pénétrer dans l’enceinte du sanctuaire, la rue est animée par des stands où sont vendus divers objets : jouets pour enfants, décorations, tapis, drapeaux yézidis etc., tandis que se garent les bus empruntés par les fidèles pour rejoindre la rencontre. À 10h30, a commencé la cérémonie religieuse qui s’est déroulée dans le temple Quba Mêrê Dîwanê. Entre brûlures d’encens, récits religieux, prières, photographies familiales, les yézidis se sont rassemblés mêlant les foulards violets des irakiennes venues d’Allemagne aux foulards verts des arméniennes. Les fidèles ont ensuite pénétré dans le temple Ziarat pour honorer le paon, incarnation de Melek Taus, l’ange central de la foi, et faire leurs offrandes.

 

 

Le discours des officiels, présenté en kurde et en arménien, a débuté à midi et s’est poursuivi jusqu’à 14h00 sur la scène où était accroché le drapeau de la communauté. Hommes, femmes et enfants écoutaient attentivement les représentants du gouvernement kurde irakiens, le président de la fédération des yézidis en France, l’ambassadeur de France, d’Irak et de Russie, ainsi que des députés et représentants arméniens, tous venus saluer ce rassemblement exceptionnel.

Les chants et les danses traditionnels ont commencé sur le complexe. Pendant que la musique se poursuivait, la plupart des participants se sont rendus au repas, composé de lavash, d’agneau, de pommes de terre, de fromage, de crudités et de fruits. Vers 16h, la majorité des fidèles a quitté le site, conformément à la tradition yézidie : les fêtes ne se prolongent généralement pas jusqu’à la soirée.

 

 

Le complexe d’Aknalich n’est pas uniquement un lieu de culte, il est aussi le symbole de la fraternité entre Yézidis et Arméniens. Sur l’un des monuments, le paon du yézidisme est moulé avec la croix arménienne entourée de rayons de soleil au-dessus du symbole de l’éternité qui rappelle la solidarité durable de ces deux peuples. Comme le disait Khatchatour Abovian : « Ils n’ont pas de lien et de corrélation aussi intenses avec aucun autre de leurs voisins qu’avec les Arméniens, qu’ils appellent leurs frères ».