On connaît tous les noms des acteurs et des actrices, des réalisateurs de nos films adorés. Parfois, on retient même ceux des scénaristes, mais on ne lit jamais ou rarement peut-être le nom du producteur. Il reste toujours derrière la caméra, tandis que c’est grâce à lui qu’une idée cinématographique devient une réalisation audiovisuelle. L’une de ces personnes est François d'Artemare, producteur français qui s’était rendu à Erevan à l’occasion du Festival Abricot d’or, afin d’animer un atelier professionnel.
Par Anna Baghdassarian
A la recherche des talents
Très jeune, François d'Artemare se passionne pour le 7 ème art. A l’âge de 21 ans, il commence à travailler comme assistant du metteur en scène, puis comme directeur de production. Quelques années plus tard François part au Portugal pour y faire un film, mais il y reste un peu plus longtemps et crée même sa société de production. « Et puis, j’ai monté très vite une société en France, d’abord dans le but d’aller chercher de l’argent en France pour les films portugais, et puis petit à petit la société en France a pris son indépendance et a commencé à produire des films un peu partout dans le monde. Depuis deux ou trois ans, je suis de retour en France. Je me suis consacré entièrement à cette société française avec laquelle j’ai produit des films un peu partout : en Afrique, en Egypte, en Europe, en Bosnie, en Roumanie, au Portugal, en Iran, en Inde, en Russie, en Chine… », -raconte François d'Artemare.
Etre producteur de cinéma, ça veut dire être créatif, pouvoir suivre l’écriture d’un scénario, gérer, trouver des financements, avoir du charme et bien-sûr être toujours à la recherche des talents. « J’aime bien des films qui ont une dimension sociale, humaine ou politique forte. En même temps, ce qui m’intéresse et ce que je cherche le plus, ce sont des metteurs en scène et leur talent. Je cherche des gens qui ont un regard cinématographique sur le monde. Donc, j’accorde beaucoup d’importance à l’esthétique et à l’aspect visuel du film. Je passe ma vie à voyager beaucoup, à rencontrer des metteurs en scène, à lire des scénarios, à voir des films et puis après chercher de l’argent », -souligne le producteur. Il distingue donc trois critères essentiels dans la recherche des metteurs en scènes. « Il y en a beaucoup, mais les trois essentiels sont le talent visuel et cinématographique, puis le désir, parce que je vous assure que la création des films demande beaucoup d’énergie. Si on n’a pas une volonté de se battre, ce n’est pas la peine, il ne faut pas essayer de faire des films. Et puis, mon désir et ma motivation de producteur, ils viennent du désir du réalisateur. Finalement, le troisième critère, c’est quand même la compréhension mutuelle. Un film, ça prend aussi beaucoup de temps : 3-5 ans à peu près. Et durant toute cette période on va se parler tous les jours, et donc, il faut avoir envie de se parler … » - raconte François d'Artemare.
Cet « album de photos de famille » …
C’était dans le cadre de la 16ème édition du Festival international du film Abricot d’or (Golden Apricot) que le producteur François d'Artemare s’est rendu en Arménie. Il était invité pour animer un atelier destiné aux jeunes professionnels du cinéma de la région.
« Il y en avait parmi eux des personnes qui avaient peut-être déjà fait un film mais qui n’avaient pas beaucoup d’expérience. L’objectif de cet atelier était de les aider à développer leurs projets ou à définir un peu une stratégie et une méthode, savoir où aller, comment faire, et puis essayer de partager justement le regard d’un producteur européen sur ces projets. Et je peux dire que je suis très satisfait. Dans les projets il y en avait ceux qui étaient encore fragiles, il y en avait aussi des travaux aboutis, mais d’une façon générale dans tout le groupe il y avait un désir de cinéma, qui est toujours touchant, fort, et aussi une énergie très belle et talentueuse », - se souvient le producteur. A part des réunions, il a également eu des rencontres individuelles avec les participants pour parler plus en détail de chaque projet. « Et puis les choses importantes dans un atelier comme ça ne se passent pas forcément toujours dans la salle de réunion, mais aussi le soir, en buvant des verres, dans des conversations plus informelles, quand on peut échanger des choses qui sont importantes aussi ».
D’après François d'Artemare, la réalisation du projet Talant lab était très importante pour la région. « Les films, c’est la mémoire collective, et un peuple, quand il fait des films, il crée son album de photos de famille. Je pense qu’il faut avoir un cinéma, parce que ça crée une mémoire collective et ça participe à une mémoire collective. Il faut donc encourager l’existence des metteurs en scènes, du cinéma. Dans ce contexte, cette initiative est importante, et il faut la continuer pendant quelques années. Peut-être les résultats en ne sont pas immédiats, mais si grâce à cette initiative dans cinq ans il y a deux metteurs en scène arméniens qui émergent, ça serait un succès formidable ».
Erevan : ville avec une énergie formidable
Le producteur français avait entendu parler à plusieurs reprises du festival Abricot d’Or. C’est pour cela qu’il a tout de suite accepté l’invitation d’animer un atelier à Erevan. « Je trouve ici une énergie formidable. J’aime beaucoup cette ville, je la trouve très douce. J’ai été dans des endroits formidables, très chaleureux. C’est une ville où l’on se sent très bien, très agréable », - dit François d'Artemare. Le Festival Abricot d’or, il le caractérise par ces trois mots : « Chaleureux, talentueux, plein d’énergie ».
Le cinéma d’aujourd’hui
Comment doit être le cinéma du 21 ème siècle et comment il doit attirer le public ? « Je pense qu’aujourd’hui on est dans une période de transition très forte pour le cinéma parce qu’au 20 ème siècle le cinéma était la principale fenêtre sur le monde et on découvrait le monde à travers le cinéma, tandis qu’aujourd’hui c’est moins le cas, car il y a Internet. Les gens y ont accès à des images de façon plus immédiate. Je pense que le rôle du cinéma doit se redéfinir, que le mode de consommation d’image a changé. La première moitié du 20 ème siècle il fallait payer pour voir des images, ensuite on a eu la télévision, aujourd’hui on a des millions d’images disponibles à la maison sans avoir à bouger », -dit François d'Artemare.
Une chose est certaine : le cinéma doit provoquer des émotions, des émotions que l’on ne trouve pas forcément sur les réseaux sociaux, à la télévision, sur YouTube, sur Facebook… « C’est un vrai défi pour le cinéma mais c’est aussi un défi de financement, parce que pour faire des films on a besoin d’argent, donc on a besoin pour que les gens payent. Tandis que les gens ont moins en moins d’habitude de payer pour voir des images. Il faut leur donner ce désir de payer. Donc, il y a un système qu’on n’a pas encore complètement trouvé », -souligne François d'Artemare.