Ce 21 mai, "La nuit des musées", événement culturel majeur, a regroupé 125 musées d'Arménie et d'Artsakh, 122 expositions permanentes et ponctuelles, 30 projets éducatifs, 40 concerts et 124 manifestations culturelles ! À cette occasion, en partenariat avec l’Ambassade de France en Arménie, le Musée Martiros Saryan avait programmé une journée dédiée à l’œuvre de la période parisienne du peintre et plusieurs concerts. Dans une présentation rappelant l’exposition Saryan à Paris, la directrice du musée et sa petite fille, Ruzan Saryan ont évoqué l’inlassable travail du peintre dans la capitale française…
Par Lusine Abgarian
L’ambiance créative de la ville des artistes hantait Martiros Saryan, le peintre légendaire de la nature. En quête de nouveaux paysages et d’un renouveau professionnel, il entreprend en 1926, à la veille de son cinquantième anniversaire le voyage à Paris, pour découvrir la capitale des arts… et pour se découvrir… Saryan, artiste du peuple d’Arménie connu dans les milieux artistiques de Moscou et de Saint-Pétersbourg, réalise alors, dans son atelier parisien pendant deux ans, une quarantaine de toiles dediees a sa patrie et à ses paysages qui lui manquaient.
L'impact de la période parisienne de Saryan sur sa vie artistique n’est pas à ce jour complètement révélée. Les lettres adressées à ses amis et à son épouse témoignent cependant de son élan créatif, d’une inspiration sans précédent et de son sentiment de libre création qui le poussent à peindre sans arrêt : « Tout va bien aujourd’hui, je suis de très bonne humeur. J’ai travaillé toute la journée, je n’ai pas cessé un seul instant. Seul le noir m’a arrêté. Le jour est fini, mais le désir de travailler est encore là. Dans mon cœur, aucun travail n’est aussi attirant que la peinture. Je n’ai jamais travaillé autant qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, je suis très content de moi », écrit le peintre dans une lettre adressée à sa femme, Loussik.
Séduit par l'école impressionniste, Saryan crée trois études aux sujets parisiens participant aussi à la vie artistique de la capitale française. Son rêve ultime, exposer à Paris, devient réalité le 7 janvier 1927. À la Galerie Charles-Auguste Girard, en présence d’Henry Barbusse, de Le Corbusier, d'Hakob Gurdjian ou d'Archag Tchobanian et d’autres peintres ou artistes de renommée, il presente son travail. La presse de l’époque écrit à l'occasion : « Saryan possède son propre style qui se retrouve entre les principes et les traditions de l’art oriental et de l’art moderne européen ».
Des années plus tard, Saryan témoignera de l’importance de la période parisienne sur son œuvre. Dans un témoignage à un critique d’art, il s’étonnera lui-même de son « efficacité » et de son évolution intérieure : quarante toiles en dix-huit mois contre une dizaine par an habituellement, parfois une quinzaine.
La période parisienne fut aussi tragique. Trente-cinq de ses toiles ont été emportés par un incendie dans le port d’Istanbul, à bord du bateau français « Phrygie » qui le ramenait au pays natal. Il n'en subsiste que les toiles que Saryan avait offertes ou vendues à ses amis ou, ainsi que celles qu’il a pu sauver et ramener avec lui en Arménie par le train.
Grâce aux nouvelles technologies et le projet "Arloopa", il est aussi possible d’effectuer, depuis son musée d'Erevan, une visite virtuelle de l’exposition parisienne de Saryan telle qu'elle se tenait en 1927.