Là, où se tissent le jazz et le folk : à la découverte de l’art de Macha Gharibian.

Arts et culture
06.05.2021

Entre la tradition et la modernité, Macha Gharibian, pianiste, chanteuse, auteure et compositrice, « croise les univers » autour de différentes influences, dont surtout le jazz et le folk. Ce croisement d’univers fait de son art une œuvre originale pleine de sensibilité et riche en couleurs envoûtantes. Nous vous invitons à découvrir Macha Gharibian en quelques questions-réponses.

Par Lusiné Abgaryan

Comment êtes-vous venue à la musique ?

Il y avait un piano à la maison, et avec mon père musicien (Dan Gharibian), c’était difficile de passer à côté ! J’aimais en jouer petite, et j’ai commencé à prendre des cours vers l’âge de six ans. J’aimais la musique classique, je rêvais de devenir concertiste, et puis la vie en a décidé autrement. Je composais un peu, et Simon Abkarian m’a proposé d’écrire la musique d’une pièce de théâtre qu’il mettait en scène à Paris. Cette belle expérience m’a permis de m’offrir un grand voyage à New York quand j’avais 25 ans - c’est là que j’ai découvert le jazz. Ça a été une révélation, et un moment libérateur, je me découvrais improvisatrice, et je découvrais l’improvisation collective.

 

Etant à la croisée de plusieurs identités et porteuse de différentes cultures, à quel point vos origines ont nourri votre œuvre ?

La musique arménienne, mais aussi la culture, ont forgé ma sensibilité, mais aussi toutes les musiques traditionnelles que l’on écoutait à la maison avec mon père. C’est une vraie richesse dont je suis consciente qu’elle a influé sur ma façon d’écrire. Il y avait les musiques grecques, tziganes, russes, d’Ex-Yougoslavie... Quand j’ai commencé à écrire, tout se mélangeait naturellement. Ensuite le jazz m’a ouvert le chemin de l’harmonie, et du groove avec la batterie. Puis j’ai développé un rapport au son et aux instruments de manière instinctive en écoutant beaucoup de musiques et en allant voir beaucoup de concerts. Aujourd’hui, tout m’inspire, de la musique électro de James Blake à la musique répétitive de Steve Reich ou la soul de Marvin Gaye...

 

Quelles sont vos sources principales d’inspiration ? Y a-t-il un fil rouge qui traverse votre travail ?

Tout ce qui me fait vibrer m’inspire : une émotion, la joie d’un thème qui groove, la beauté d’une mélodie, la matière sonore dans la musique électronique… Et puis il y a ce que je vis au quotidien en tant que femme. Les mots qui me touchent, ou me font pleurer. Les choses commencent toujours par une rencontre, un désir, un fil que je tire, et beaucoup d’inattendu et de hasard... L’improvisation reste le fil, ne pas tout préméditer, et laisser venir, laisser la vie faire.

 

Comment vous caractérisez votre musique, ce « mariage » de plusieurs influences ? Et comment vous est venue l’idée de faire ce mixe, à partir notamment, de la musique arménienne et du jazz ?

A 18 ans, j’ai découvert Bojan Z, pianiste serbe qui vit en France. Il a toujours mêlé les musiques d’ex-Yougoslavie et le jazz, sa musique est chaleureuse, généreuse, et souvent liée à la danse. Il m’a beaucoup inspirée. Comme lui, j’ai eu très tôt envie de revisiter des thèmes traditionnels arméniens et de leur donner une couleur actuelle, moderne. Travailler les standards de jazz m’a permis d’étoffer mon langage harmonique, en m’appropriant le vocabulaire et en croisant les univers avec la musique contemporaine. Ensuite ce sont surtout des rencontres avec des musiciens, qui m’ont fait progresser sur cette voie car en fonction des musiciens à qui je fais appel, j’ai pris des directions nouvelles. Ils amènent leur patte à mes morceaux et m’inspirent beaucoup.

 

Qu’est-ce qui vous attire le plus dans la musique arménienne ?

La mélodie, la profondeur, la musique arménienne est saisissante, et provoque beaucoup d’émotions.

 

Lequel de vos albums vous représente le plus ?

Il y a quelque chose dans mon premier album Mars qui reste important pour moi car il porte l’éclosion d’un son que je cherchais, moderne et cross-over, alliant tradition et modernité. Mais chacun de mes albums m’a fait progresser en tant que musicienne, et aussi professionnellement. On apprend le métier sur le tas, en jouant, en voyageant, et en multipliant les rencontres. Je me sens toujours en chemin, en train d’apprendre constamment.

 

La musique occupe une grande partie de votre activité, quelles sont vos autres passions ou centres d’intérêt en dehors de la musique ? Vous êtes toujours passionnée de l’écriture théâtrale ?

La musique occupe beaucoup mon quotidien, mais tout est lié : je pratique le yoga, j’aime la poésie, j’aime lire, j’aime cuisiner - pour une arménienne c’est presqu’un pléonasme !!  Chaque chose nourrit l’autre. 

 

Pouvez-vous nous parler de votre actualité ? Aurons-nous l’occasion de vous écouter de nouveau en Arménie ?

Mon troisième album Joy Ascension est sorti en janvier 2020. A cause de la pandémie, toute la tournée a été stoppée, mais les choses ont l’air de repartir cet été, je suis programmée dans beaucoup de festivals en France, et j’espère bientôt revenir jouer en Arménie.

L’autre actualité c’est que nous avons sorti un nouvel album avec mon père et le groupe Papiers d’Arménie. La musique est cette fois complètement tournée vers la tradition, avec notre patte à nous, qui vivons en France... L’album s’appelle Guénats Pashas !