Programmée pendant la quinzaine du festival « Yeraz » à Mont de Marsan, cette exposition, sous le commissariat du peintre Guillaume Toumanian, lui-même à la croisée de son identité plurielle, sera ouverte du 23 mars au 28 mai 2022 au Centre d’art contemporain Raymond Farbos.
Par Lusine Abgaryan
" Menk", "Nous" en arménien… une vingtaine d’artistes arméniens, franco-arméniens et français à la croisée de la peinture, de la vidéo et de la photographie, du dessin et de la performance. Une traversée multiculturelle qui invite à découvrir la complexité des liens, de la transmission et de la temporalité d'œuvres artistiques diverses nourrissant une même synergie. Guillaume Toumanian, nous livre les méandres de ce projet artistique.
Comment vous est venue l’idée de cette exposition ?
J’ai été sollicité par la ville de Mont de Marsan en janvier 2021 pour développer un projet au Centre d’Art Contemporain dans le cadre du festival « Yeraz ». J’ai immédiatement accepté de m’engager dans cette aventure en proposant le projet "Menk". J’ai grandi dans cette ville, je suis landais par ma mère et arménien par mon père du côté de Marseille. Je ne pouvais que m’impliquer dans un tel projet, je l’avais en tête depuis longtemps déjà mais c’était assez improbable que ce soit à Mont de Marsan qu'il voit le jour. "Menk" c’est bien plus qu’une exposition collective et j’ai souhaité le doubler d'un programme de résidence d’artistes qui accueillera deux peintres d’Arménie afin de témoigner de la vitalité de la scène artistique arménienne contemporaine. Pour cela, deux artistes de Erevan Tigran Sahakyan et Arman Vahanyan ont été invités en résidence pendant un mois.
Cette exposition est-elle le médium de vos origines ?
Je vais répondre de manière assez générale : cet événement s’adresse à un large public intéressant certes de nombreux Arméniens mais la plupart des visiteurs ne connaissent pas ou très peu l’Arménie et en ce sens, c’est important de proposer différents moyens d’expression.
Je ne pense pas que l’on puisse parler de traduction des origines, je préfère parler de trajectoire. Dans ce projet, c’est ce qui transparaît : chacun a son vécu et son expérience avec l’Arménie, c’est ce qui compte et c’est à ce moment-là que l’on peut questionner les origines.
On peut même parler d’une identité plurielle car les notions de transversalité, d’échange mais aussi de transmission sont au cœur du projet.
Le titre "Menk" qui réunit tous les artistes est très parlant. Impose-t-il un thème précis ou leur laissez-vous toute liberté d'expression ?
Comme je le soulignais, "Menk" est fortement lié à l’expérience des artistes impliqués dans ce projet. J’ai procédé par invitation, avec ma sensibilité artistique et en proposant aux artistes de créer spécialement des œuvres ou d’exposer un travail qui marque leur rencontre ou la relation qu'ils ont à l’Arménie. La temporalité est importante dans ce projet, c’est comme un état des lieux que chacun peut faire en fonction de son cheminement.
Il s’agit d’histoires personnelles, que l’on soit Arménien, d’origine arménienne ou non. Cette diversité est l’essence même du projet. On peut donc considérer qu’il s’agit d’une expression libre sans sujet particulier si ce n’est celui du travail des artistes exposés.
Qui sont les artistes qui seront exposés et comment a été effectuée la sélection ?
J’ai choisi vingt artistes s’exprimant et une sélection de leurs œuvres à travers différents médiums - peinture, dessin, photographie, vidéo, installation -. J'ai aussi fait appel à une chorégraphe, danseuse et performeuse car je voulais témoigner du vivant et entrer dans cette exposition en délivrant ce message. J’ai sollicité Consensus & Aline Derderian pour la création du solo dansé le soir du vernissage et j’ai également travaillé en étroite relation avec l’architecte Michel Mossessian. Il a imaginé une scénographie qui permet de parcourir ces différents univers d’artistes de différentes générations au Centre d'art contemporain des Landes.
Comme vous venez de le mentionner, vous avez également invité des artistes d’Arménie. Parlez-nous de cette résidence.
Ce programme de résidence a été organisé en plusieurs étapes. Tout d’abord l’arrivée à Paris et des rencontres organisées à l’atelier Idem Paris, une imprimerie d’art ; Tigran Sahakyan et Arman Vahanyan sont peintres et spécialisés en gravure, plus exactement en techniques d’impression. Ils ont pu visiter les ateliers de la Villa Belleville et l’atelier de leur ami sculpteur Sevak Grigoryan avant de faire un tour des galeries de la capitale. Ils ont séjourné dans mon atelier parisien et rencontré d’autres artistes ainsi que des critiques d’art dont Varvara Basmadjian et Diane der Markarian.
Ensuite, ils ont mis le cap le sud-ouest de la France et Mont de Marsan pour des workshops de gravure avec des élèves de la section arts plastiques du lycée Victor Duruy où j’ai été élève. Ils ont pu transmettre leur savoir-faire, expérience qu'ils ont renouvelé à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux avec la cinéaste Nora Martirosyan enseignante à l’EBABx. Bien étendu, ils ont mis à profit leur temps libre pour s’imprégner de la culture française et développer leur travail personnel qu'ils présenteront à l’exposition "Menk".
L’idée de cette résidence reste de favoriser les échanges professionnels, de découvrir une autre culture et vivre pleinement cette expérience en immersion. Après le festival « Yeraz », ils resteront à nouveau quelques jours dans la capitale et ils seront notamment invités à visiter la foire d’art contemporain Art Paris. Leur retour à Erevan est prévu mi-avril.
Pensez-vous que le festival "Yeraz" facilitera les échanges d'artistes, arméniens et français ?
Oui, je le pense et je l’espère car ces échanges sont essentiels. Il faut parvenir à créer des liens durables et pérenniser les actions culturelles en France et en Arménie. Les résidences d'artiste permettent de favoriser ces échanges, peu importe les origines. C’est ce que nous proposons qui compte. Les savoir-faire doivent être valorisés et les lieux de création doivent être fonctionnels et professionnels. Il y a des enjeux liés à l’économie créative et je suis convaincu que cette transversalité peut faire émerger ou développer des projets très enrichissants pour la France et l’Arménie. Un projet en entraîne d’autres et les rencontres se forgent en vivant ces expériences. Il faut rester sur cette dynamique, c’est primordial pour la suite.