La 90e saison de l’opéra d’Erevan s’est ouverte le 1er décembre sur la première mondiale d’un spectacle aux motifs de drame, "Dieux Anciens" de Levon Chant, sous-titré "Gravité… (Ձգողականություն)" pour son adaptation au théâtre par Narine Grogoryan. Croisant l'art dramatique et le ballet, ce spectacle en deux actes traduit la pièce classique dans un langage moderne, inattendu…
Par Lusine Abgaryan
Sur les musiques du compositeur Vaché Charafyan, les chorégraphies du maître de ballet Ara Asatryan et la direction musicale du chef d’orchestre Karen Dourgaryan, le spectacle de Narine Grogoryan, metteure en scène invitée du théâtre Hamazgayin, auteure du livret, a été couronné d’un réel succès dès sa première.
Œuvre à la fois poétique et philosophique, le drame de Chant a trouvé dans le langage de la danse un nouveau souffle, invitant à la découverte de ses multiples facettes. Ses "dieux" unifiés dans cette réécriture se réincarnent dans l’un des protagonistes du livret : la nature. Le sous-titre choisi par Nariné Grigoryan, "Gravité" rappelle simultanément la foi et les lois de la physique évoquant l’attirance de l’homme envers la femme…
Le sujet, référence à la vie monastique, revêt une valeur autobiographique pour le compositeur Vache Charafyan. Ce dernier avoue ainsi avoir préféré la vie mondaine à celle des ordres après avoir travaillé et vécu à Jérusalem pendant quatre ans. « J’étais alors directeur du séminaire arménien "Zharangavorats". Et puis, je me suis enfui et je me suis marié. J’ai choisi la vie et en conséquence, j’ai été expulsé du séminaire », a confié le compositeur lors de la conférence de presse tenue à l’occasion de la première. « Quelque part, l’œuvre apparaît pour moi comme une autobiographie, mais sa fin est légèrement différente. J’espère que ce spectacle restera au répertoire de l’opéra, parce qu’il représente aussi un tout nouveau langage pour notre théâtre, un langage assez courageux et très frais ».
« La pièce est très profonde, il y a beaucoup de couches. Dans l’étape de préparation, j’avais dessiné un graphique, très détaillé, un travail mathématique qui m’a permis de le créer, pas un travail d’écriture. Il fallait garder la structure originelle de la pièce », raconte Nariné Grigoryan, en ajoutant que peut-être, le plus grand plaisir, c’est de se donner cette liberté. Selon l’actrice plusieurs fois primée, les jeunes danseurs du groupe, eux-aussi, se sont complètement investis dans à cette création lui offrant quelque chose de tout à fait nouveau.
Les chorégraphies ne sont pas seulement "classiques" au sens strict du terme et contiennent des éléments de danse moderne. Le chorégraphe Ara Asatouryan avoue que la complexité du sujet, a constitué un véritable défi pour parvenir à élaborer un modèle accessible à un large public. Les principaux danseurs solos de l’opéra, Sevak Avetisyan et Gor Sargsyan qui incarnent les personnages principaux du drame, le moine et l’abbé, admettent de même que l’intrigue, philosophique et extrêmement passionnante, n’est pas facile ni à aborder ni à rendre sur scène.