Au 22 de la rue Shiraz, à Gumry, le porche bien connu de la ville dans le dialecte gyumretsi, se cache une cour où ont été tournées plusieurs scènes fameuses de quelques chefs-d'œuvre du cinéma arménien.
Par Lusine Abgaryan
"Tango de notre enfance" ("Մեր մանկության տանգոն"), "Fontaine Heghnar" ("Հեղնար Աղբյուր"), "Bus Heureux" ("Ուրախ ավտոբուս")… Tous les acteurs de ces films, et d’autres encore, ont traversé cette cour historique durant quelques décennies. Aujourd'hui, des files de visiteurs à n'en plus finir peuvent y retrouver des témoignages aussi précis que précieux sur tous les films qui ont été tournés ici.
Dans la suite des musées et centres d’expositions fondées par Hayk Demoyan, chercheur et ancien directeur du Musée-institut du Génocide, une petite galerie vient d'ouvrir ses portes dans cette fameuse cour du Tol, exposant une collection passionnante d’affiches, de photographies et d’objets divers à la mémoire des films qui y ont été tournés.
L’histoire de ce musée est toute récente lorsque l’un des amis de Hayk Demoyan lui fait part de la maison qu'il vient de recevoir en héritage de son beau-père, située justement dans cette même cour "cinématographique". Piqué par la curiosité, Hayk Demoyan rend visite à son ami et lui fait comprendre toute la valeur mémorielle et historique du lieu. Dans la cave encombrée de la vieille demeure sont un entassé tout un tas d'objets les plus hétéroclites dont les deux amis décident de se débarrasser. Ils découvrent alors, parmi des déchets ménagers, un sac tout couvert de poussière qu'ils ne tardent pas a reconnaitre comme celui de Galya Novents, au bras de l'actrice dans le film "Tango de notre enfance". D'autres découvertes les attendent encore…
« Beaucoup d’objets de tournage que nous avons retrouvés appartenaient aux habitants de ces bâtiments, ils les prêtaient pour les films », raconte Hayk Demoyan. «La machine à coudre que nous exposons a été utilisée dans le même film. Elle appartenait à une voisine qui l'a offerte à la galerie pour compléter sa collection ».
Outre un lieu de mémoire, la galerie constitue aussi un centre officiel de renseignements sur les films tournés à Gyumri. Tous ces objets originaux procurent de l’émotion, de la musique des films émane des souvenirs, les séries de photos fixent pour l'éternité les "hors-cadres" des acteurs se préparant pour les tournages.
La plupart des objets appartient à la collection personnelle d'Hayk Demoyan : « J’acquiers régulièrement des objets liés aux films arméniens, des photos, des affiches, des maquettes de diverses ventes aux enchères et ventes privées. Je voulais les exposer quelque part, ce lieu est idéal », confie-t-il. La petitesse de l’endroit ne lui permettant toutefois pas d'exposer l'intégralité de la collection, les deux fondateurs ont l’intention d’agrandir l’espace afin de mettre en valeur tous les objets, ainsi que d'aménager la cour et restaurer le célèbre escalier en bois qui a vu danser les acteurs du "Tango de notre enfance".
Musée des Emblèmes nationaux arméniens, Club 1887, Musée de l’Arménienne, Maison du Film… Deux futurs projets s’ajouteront bientôt à tous ceux fondés à Gyumri par Hayk Demoyan. Le premier sera de nouveau dédié à la cinématographie, mais dans un contexte plus large : "L’Arménien et son cinéma", le deuxième sur le sport : « Nous avons tout le matériel pour créer un musée de l'histoire des sports arméniens. J’ai aussi une monographie à ce sujet, une archive énorme. Ce serait un musée fantastique ».
Le chercheur a adressé deux demandes de subvention d’État pour la mise en place de ces projets. Ils ont été tous deux refusés : « Je n’attends plus aucun soutien de la part des ministères, c’est inutile », conclut-il.
