Il y a quelques jours, Le Courrier d'Erevan avait raconté la victoire du film "Aurora"s Sunrise" au festival FIFDH, à Genève. Qui et pourquoi a décerné le Grand Prix de Genève du prestigieux festival FIFDH au film arménien « Aurora’s Sunrise » ? Explications de l’intellectuelle Dominique de Rivaz, membre du jury.
Par Anna Aznaour, notre correspondante à Genève
Dans ce jury, ils étaient quatre*, originaires de trois continents : Amérique du Sud, Afrique, Europe. Tous des célébrités éprises des droits humains, ils n’ont pas eu à débattre longtemps pour rendre leur verdict. Ce sera le film d’Inna Sahakyan sur le génocide arménien ! Dominique de Rivaz, seule suissesse du jury, a accepté de lever un coin de voile sur leur décision collégiale. Réalisatrice, écrivain et photographe, cette globetrotteuse s’est d’ailleurs fait une promesse après avoir visionné le documentaire arménien...
Laquelle ?
« Aurora’s Sunrise » m’a donné envie de partir en Arménie pour découvrir ce pays, apprivoiser sa culture et connaitre son peuple !
Étant vous-même réalisatrice, qu’avez-vous apprécié dans la réalisation de ce film ?
Au départ, on est étonné de cette animation aux couleurs pastel, très douce. Et plus on avance, en ignorant vers quoi l’on se dirige, plus on se rend compte de l’ingéniosité de cette approche. En effet, reproduire cinématographiquement les horreurs du génocide aurait été de très mauvais goût. C’est donc une très belle idée que d’avoir monté ces images animées, intercalées extrêmement savamment avec les séquences d’archives de 1919 et les interviews d’Aurora quelques décennies plus tard.
Qu’avez-vous pensé d’Aurora ?
C’est une femme délicieuse, mais au destin tragique tellement incroyable. On ne peut que se réjouir de son existence et de son parcours si courageux, conservés pour le plus grand nombre à travers ce film.
Quelle était la particularité de ce film par rapport aux neuf autres en compétition dans la même catégorie ?
En plus de la qualité de sa réalisation, il était très didactique. J’ai été horrifiée d’apprendre l’histoire de ce génocide dont j’ignorais presque tout.
Y a-t-il une séquence en particulier qui vous a le plus touché ?
Oui. Il s’agissait de la scène d’animation qui, pudiquement, montrait des femmes arméniennes empalées sur des morceaux de bois tranchants par les soldats turcs. Elle nous a tous fait pleurer. Cette cruauté dépasse l’entendement…
Pourtant, malgré les preuves irréfutables, la Turquie nie depuis plus d’un siècle ce crime…
Justement, la particularité du film est qu’il suscite des interrogations sur les raisons de cette non reconnaissance. D’après certains, l’explication en serait que les descendants de l’élite dirigeante de l’Empire Ottoman, organisatrice de ces massacres, feraient partie du gouvernement turc actuel. Par ailleurs, réfuter cette responsabilité leur permet d’échapper aux réparations dues.
Pourquoi avoir voté à l’unanimité pour ce documentaire animé ?
Nous avons pensé que compte tenu la large méconnaissance de ce pan d’histoire extrêmement douloureux pour le peuple arménien, décerner le Grand Prix de Genève à « Aurora’s Sunrise » contribuerait à informer de son existence la communauté internationale. Cette tragédie doit être connue et reconnue !
À propos de Dominique de Rivaz
Née à Zurich d’un père suisse et d’une mère italienne, cette cinéaste plusieurs fois primée a d’abord fait des études de littérature, d’histoire et de philologie à l’Université de Fribourg (Suisse). Elle y a également étudié la langue russe avant de débuter sa carrière de réalisatrice à la Télévision Suisse Romande, pour ensuite la poursuivre dans la presse écrite en tant que directrice de photographie. Son palmarès de créations compte dix films dont quatre primés, huit livres et de nombreuses expositions photographiques. Partageant son temps entre Berne et Berlin, la cinéaste est une infatigable voyageuse qui a exploré aussi bien l’extrême Est de la Russie que les montagnes de la Géorgie.
*Anna Glogowski (Brésil), Delphine Kemneloum Djiraibé (Tchad), Dominique De Rivaz (Suisse) et Luciano Barisone (Italie)