L’une des fiertés de la province du Lori, le centre éducatif COAF SMART, accueille désormais des artistes pour participer et consolider la formation culturelle des enfants, les aider à prendre confiance en eux, à s’exprimer et leur permettre de connaître de plus près ce en quoi consiste leur travail. En janvier dernier, un premier atelier réunissant des enfants de Lori et des artistes était inauguré par Serge Avedikian.
Par Lusine Abgaryan
Les programmes de COAF SMART sont très ambitieux. Répartis en trois sections, la "Tête", le "Cœur" et la "Main", ces 19 programmes sont voués à sensibiliser les jeunes élèves à différents savoirs qui complémentaires de leur éducation scolaire pour qu'ils puissent s’orienter plus facilement dans le choix de leur futur métier. Des nouvelles technologies à l’art, entre un gymnase et un amphithéâtre, un hall équipé d'ordinateurs et des coins bibliothèques, ce centre "caché" dans les montagnes de Lori proposée à ses élèves une offre éducative de haut niveau dont émane un grand éclectisme.
En dehors des programmes établis, les équipes de Smart ne ménagent pas leur énergie pour programmer des activités supplémentaires pour les enfants et les adolescents. Ainsi sont-ils en train de concevoir un concours d’expression artistique. Musique, art dramatique, peinture… Les étudiants de chaque spécialité seront bientôt en compétition. Loin des grandes villes et n’ayant que peu l'occasion de s’exprimer artistiquement, ils peuvent désormais prendre part à des ateliers animés par des artistes connus enthousiastes à l'idée de pouvoir aider ces jeunes à gagner de l’aisance dans leur expression et impulser une motivation supplémentaire à poursuivre sur le chemin qui les attire.
Le responsable de la section théâtre, Tatul Bostanshyan, reconnait qu'en dehors du centre, les possibilités offertes aux enfants sont très restreintes : « ceux qui participent à ce programme viennent d'endroits et de communes où les lieux de loisirs sont limités ou presque inexistants ». L' important selon lui, c’est de décentraliser les événements et projets culturels afin que les enfants des régions puissent eux aussi profiter de ces événements sans devoir se rendre à la capitale ou dans les grandes villes. « C’est très important que les artistes et les personnalités dont le travail compte fassent l'effort de venir jusque dans notre région, qu’ils promeuvent le développement des communes éloignées. Au fond, les gens qui aiment la culture et apprécient les arts réussissent partout. C’est capital de promouvoir la culture auprès des jeunes des régions et à ce titre, la présence de Serge Avedikian a représenté pour eux une véritable motivation», confie Tatul, avouant que lui-même, en tant que comédien, était très intéressé par ces ateliers pour son propre développement professionnel.
Développer l’imagination, improviser, parler de sujets presque tabous, découvrir des films documentaires et d’animation… Pendant quatre jours, les jeunes ont eu la possibilité de s’exprimer "autrement", à travers l’art. Ravi de cette expérience, Serge Avedikian avoue lui-même avoir été très touché par ce premier travail avec des adolescents. « Ces 25 jeunes du groupe de théâtre entre 12 et 18 ans sont très éveillés, ils ont une réelle facilité d’expression lorsqu’on la leur autorise, cela me poussait à aller encore plus loin dans les propositions », dit-il, «j’abordais des concepts qui ne leur sont pas étrangers mais qui vont plus loin que ce qu’ils avaient déjà fait. Que ce soit en termes d’improvisation théâtrale sur des sujets pointus, intimes aussi. J’aime beaucoup travailler sur les relations familiales avec les enfants, les traditions, le conflit, la sensualité amoureuse aussi, qui est parfois tabou, mais qui à travers le langage de l’improvisation théâtrale peuvent être abordés de façon ludique. Tout comme la poésie. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui proposais des poèmes mais le jeune poète du groupe, qui partageait avec nous ses compositions les plus sensibles. Globalement, je trouve que cette pépite posée entre les montagnes accueille de manière extrêmement située, comme s’ils avaient envie de créer des élites dans cette région à travers les enfants en leur donnant toutes les possibilités pour qu’ils accèdent ici, sur place, à une éducation de très haut niveau dont l’artistique fait partie et c’est formidable ».
Les jeunes, très enthousiastes de même après cette rencontre, avouent que ces ateliers leur ont permis de croire encore plus en leurs forces et leur talent mais qu'ils restent encore plein de doutes. Sargis, futur comédien, ne ratait pas une occasion de se retrouver sur le plateau pour les improvisations. Le jeune dont les yeux s'allument dès qu'il parle théâtre, avoue : « Tout le monde me dit que je joue bien et que mon chemin, c’est d’être acteur. J’ai appris pendant ces quelques jours de formation qu’il ne fallait pas se brider : je veux être cinéaste, mais si on me propose un rôle au théâtre, je l’incarnerai volontiers ». Sa camarade, Lia, ayant littéralement trouvé lors de ces ateliers ce qu’elle cherchait en elle, partage à son tour son ressenti : « Je pensais que tout allait à rebours dans ma vie, j’évitais toujours les gens. Ici j’ai appris à être libre, à exprimer les choses que je ressens mais que je n’arrive pas à dire». Son amie, Zhanna, pense que ces ateliers leur ont apporté « de nouvelles couleurs ». Leur ami Andréas, musicien, peintre et poète, lui, était aussi en recherche de nouvelles inspirations pour sa création : « j’écrivais sur l’amour, puis sur la déception, ensuite sur l’espoir. Je suis venu ici apprendre quelque chose de nouveau sur l’homme pour pouvoir écrire des poèmes ».
Futurs artistes ou poètes, médecins ou programmateurs, les enfants de ces communes "perdues" dans les montages de Lori se réunissent quotidiennement au sein de COAF SMART et en ressortiront, sans doute, comme des citoyens sensibles à l’art et proches de la culture.