« L'entrée temporaire de l'Église en politique est un acte symbolique qui annonce la fin de l'ère libérale

Opinions
20.05.2024

L'ACNIS publie chaque semaine un éditorial consacre à la scène politique arménienne. "La Foi, l'Espoir et l'Amour", analysait la semaine dernière les raisons du succès et de l'immense espoir incarné par le mouvement "Tavush pour la patrie" mené par l'Archimandrite Bagrat Galstanyan. Il revient cette semaine sur ce même sujet, annonciateur selon lui, d'une nouvelle rupture dans la société arménienne.

 

L'ACNIS, le "Centre arménien d'Études nationales et internationales" en français un centre de recherche stratégique basé à Erevan fondé en 1994 par Raffi Hovannisian, le tout premier et éphémère ministre des Affaires étrangères de l'Arménie indépendante, de novembre 1991 à octobre 1992. Dirigé par Richard Giragosian, un universitaire arméno-américain consultant de grandes institutions internationales et analyste réputé, il revendique la double mission d'élargissement de l'engagement civique dans le processus d'élaboration des politiques et s'efforce d'élever le niveau du discours pan-national en favorisant « un savoir public plus important et plus inclusif ».

Ce dernier éditorial est aussi paru dans le journal Aravot du 18 mai sous le titre " Libéralisme et Conservatisme »

 

« Le monde occidental est en plein bouleversement. Les prochaines élections présidentielles aux États-Unis, en novembre, seront déterminantes pour le pays. Les États-Unis peuvent désormais être considérés comme une nation culturellement fracturée, et la lutte ne porte pas sur la politique fiscale ou d'autres questions similaires, comme auparavant, mais sur le système de valeurs, le conservatisme américain traditionnel et le néolibéralisme.

Il est extrêmement dangereux d'organiser des élections dans des pays civilisés mais fracturés car, quelle que soit l'issue du scrutin, le parti perdant risque de ne pas reconnaître les résultats. Ce n'est pas une coïncidence si le thème de la guerre civile est aujourd'hui sérieusement abordé dans les discours et les films contemporains. Au moins dans l'esprit des gens, le tabou de la guerre civile est en train de tomber et, psychologiquement, le concept devient plus compréhensible.

Des processus similaires se déroulent en Europe, où les partis de droite sont en passe de remporter un succès sans précédent lors des élections du Parlement européen en juin, avec la possibilité d'obtenir un tiers des sièges. Cette évolution modifiera le paysage politique de l'Europe et d'autres gouvernements de droite, à l'instar de ceux de la Hongrie et de la Slovaquie, devraient voir le jour.

En bref, le monde commence à changer, et ce changement est lourd de conséquences. Sur le plan intérieur, les partis de droite mènent des politiques plus strictes en matière d'immigration et d'adhésion aux valeurs traditionnelles. En termes de politique étrangère, ils donnent la priorité aux intérêts nationaux plutôt qu'aux dispositions idéologiques de l'internationalisme libéral.

Naturellement, ces changements affecteront directement l'Arménie et notre région. Le gouvernement en place a échoué à bien des égards et est aujourd'hui en guerre contre toutes les composantes de l'identité nationale, y compris la sphère spirituelle. Ce conflit n'a pas été sans conséquences, et la réponse est venue de l'endroit attendu : l'Église. Après que les efforts de l'opposition politique ont été épuisés et n'ont pas donné les résultats escomptés, l'archevêque Bagrat Galstanyan, prélat du diocèse de Tavush de l'Église apostolique arménienne, a pris la responsabilité de diriger un nouveau mouvement, ce qui est un phénomène logique.

Le prétendu complot de 2018, qu'il soit qualifié de "velours", de "non-violent" ou de "populaire", était en fait une prise de pouvoir prématurée qui n'a apporté que mort et destruction. L'opinion publique est désormais encline à brandir l'étendard du conservatisme et de la préservation de l'identité. Cette bannière est déjà brandie et l'entrée temporaire de l'Église en politique est un acte symbolique qui annonce la fin de l'ère libérale en Arménie et le début d'un renouveau du conservatisme progressiste, une période cohérente avec le stade actuel de la civilisation ».