Le leader du mouvement "Tavush pour la patrie", l'archimandrite Bagrat Galstanyan a effectué, hier 20 mai, un bref retour dans son diocèse pour rendre visite aux habitants de Kirants où les gardes-frontières ont pris position il y a deux jours. Il multiplie également les rencontres et les actions publiques dans la perspective d'un rassemblement populaire qu'il souhaite massif, le 26 mai à Erevan.
Par Olivier Merlet
Bagrat Galstanyan, l'archévêque de Tavush, qui mène depuis trois semaines un large mouvement de contestation populaire réclamant la démission du Premier ministre, a souhaité se rendre, hier, 20 mai,à Kirants, le village frontalier de son diocèse, épicentre de la crise politique qui secoue actuellement le pouvoir gouvernemental. Il avait été précédé dans la matinée par un petit groupe de députés de l'opposition parmi lesquels Seyran Ohanyan, l'ancien ministre de la défense de Serge Sargsyan, Garnik Danielyan, l'élu du Tavush et compagnon de marche du prélat ainsi que de Gegham Manukyan et quelques autres personnalités publiques.
Il y a deux jours, les gardes-frontières ont pris position dans le village afin d'y effectuer, selon le service de Sécurité nationale, le relèvement des travaux d'aménagement à mener sur la frontière (qui traverse le village) et dans les zones impactées par sa démarcation. Ils concernent notamment ceux de la déviation de l'axe international Erevan Tbilisssi via une ancienne route communale qui sera rénovée et élargie, « d'ici deux mois » a promis Gnel Sanosyan, le ministre des Infrastructures.
Sous ce prétexte, et tout comme il y a quinze jours lors des travaux de déminage, les bérets noirs, rouges et autres forces de police, nombreuses, ont une fois de plus bloqué l'accès au village et interdit son entrée à toute personne non résidente, députés comme journalistes, et même le prélat dont c'est pourtant le diocèse. Celui-ci est finalement parvenu à ses fins en milieu d'après-midi, il n'a pas précisé par quel moyen, et a pu s'entretenir avec quelques villageois.
Revenu à son point de départ, à hauteur du barrage de police à l'entrée du village, il a décrit aux journalistes présents « un village qui n'était pas celui qu'[il] connaissait », désert jusqu’à ce que ses habitants ne le reconnaissent et viennent l'entourer. « Ils demandent à ne pas rester seuls. Ces gens pleuraient, aujourd'hui, il faut répondre à ces larmes ». Le révérend a repris : « Aucun de vous ne devrait être triste. S'il vous plaît, restez unis, ne laissez pas ce problème vous échapper. Ce n'est pas le problème de Kirants, Voskepar, Baghanis ou de toute autre petite communauté rurale, c'est le problème de l'existence de la République d'Arménie, dont les citoyens dignes et honorables sont ici. Le problème est ici, la solution est à Erevan ».
Avant de repartir pour Erevan, et s'adressant aussi aux forces de l'ordre, Bagrat Galstanyan, a ajouté : « Personne ne peut nous gêner d'aucune manière, ni nous intimider, ni nous terrifier, ni de quelque autre manière que ce soit. Notre travail repose sur la vérité, cette tragédie doit se terminer ». Pendant son incursion dans le village de Kirants, 14 manifestants été arrêtés par la police, sans aucun ménagement. Ils ont été libérées le soir même.
L'archimandrite de Tavush a appelé à un grand rassemblement populaire dimanche 26 mai à Erevan. Depuis sa dernière action de masse, devant l'Opéra d'Erevan la semaine dernière, l'homme d'Église poursuit sans relâche ses consultations politiques. Il affirmait lundi avoir déjà rencontré plus de 40 représentants de divers partis, mouvements et formations. Ce mardi, il doit encore s'entretenir avec les membres de l'ancien gouvernement d'Artsakh, ses députés et ses représentants communautaires. Les "déplacés" d'Artsakh comptent d'ailleurs parmi les soutiens les plus assidus du prélat et de son mouvement:
Hayik Maruytyan, l'ancien maire d'Erevan, s'est également dit prêt à rencontrer l'Archimandrite. « Si nous avons un profond désaccord idéologique avec les principales forces politiques qui se tiennent à côté du mouvement et un certain nombre de thèses exprimées depuis la tribune, nous évaluons néanmoins positivement tout processus démocratique et pacifique. C'est un fait que le rassemblement du 9 mai a été le plus important depuis le Mouvement populaire de 2018 et a prouvé une fois de plus que le gouvernement de Pashinyan a perdu la confiance du public » écrivait hier l'ancien édile sur sa page Facebook.Dans l'hypothèse d'une éventuelle entente avec Bagrat Galstanyan, le capital sympathie non négligeable dont bénéficie Hayik Marutyan auprès de l'opinion publique pourrait également peser de son poids dans les actions à venir.