Arménie, la gueule de bois

Opinions
19.11.2020

Aux lendemains de la reddition forcée de l'Armenie face à l'Azerbaijan, entraînant la perte des territoires habités - pour ne pas dire occupés - par une population majoritairement arménienne et ceci, sous la main de fer de Vladimir Poutine, le pays et la diaspora s'éveillent avec la gueule de bois. 

Par Roc Chaliand

La catastrophe était attendue depuis si longtemps... 30 ans de suspense, alors que, comme dans tous les films d'horreur de série B, le public connaissait déjà la fin. 

Le 1er novembre 2020, je rédigeais un article qui décrivait exactement ce qui allait se passer.

La plupart des Arméniens qui l'ont lu n'ont eu de cesse d'affirmer que j'étais dans l'erreur, que le monde reconnaîtrait l'Artsakh, que les alliés de l'Arménie voleraient à son secours, qu'elle en sortirait victorieuse. 

Je dois reconnaître que les non-Arméniens ne s'en souciaient pas beaucoup. 

La vérité fait mal, parfois. Et il est parfois douloureux d'avoir raison. 

 

Je ne suis pas surpris. 

Je suis juste déçu. 

 

Et c'est exactement le même mécanisme qui a conduit à ce conflit :

Le déni.

Plus précisément, un règne de 30 ans d'une "élite" politique d'oligarques corrompus qui aura dirigé un peuple vivant dans un déni romantique, aveuglé par un cruel manque de lucidité et de réalisme. 

Face au concept d'intégrité des territoires - aujourd'hui primant en droit international, le peuple arménien aura misé sur l'éculée notion du droit des peuples à déterminer d'eux-mêmes. A tort. 

Comment ne pas être écœuré par l'attitude des Arméniens de la diaspora et leur idéalisme obstiné ?

Ils mentionnent le plus souvent l'Arménie quand il leur convient de rechercher des circonstances atténuantes, d'arborer leur costume de victimes ou de fulminer sur une patrie fantasmée. 

Tout, aujourd'hui, sonne faux. 

Où étaient-ils pour sensibiliser l'opinion publique au conflit ?

Qu'en était-il de leur lobbying pour soutenir l'Arménie, en particulier aux USA, lors de l'élection présidentielle ?

Pourquoi avoir cultivé le mythe d'un Artsakh libre et indépendant au lieu de travailler à un accord ?

L'Artsakh est la Jérusalem des Arméniens, qui souhaitent que l'Hayastan soit leur Israël, une nation chrétienne au milieu d'un océan de musulmans belliqueux.

Mais il finit par être la Palestine de l'histoire, non reconnu, sous pression, en danger permanent, dévasté, dirigé par un appareil politique de dimension régionale et incapable de toute négociation. 

Et ce conflit larvé - jusqu'à présent, la cause de la fuite incessante de la jeunesse arménienne vers des horizons plus propices et de l'absence d'investissements internationaux sur le territoire, par crainte légitime de la détérioration du statu quo. 

La question du Haut Karabakh n'a pas été traitée sérieusement au cours des 30 dernières années. Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan s'est comporté comme un chiot se prenant pour un doberman et a mené le pays à la catastrophe, ses mauvaises décisions ayant entraîné la mort de milliers de jeunes hommes, la plupart d'entre eux au début de la vingtaine, la plupart d'entre eux incarnant peu ou prou, ce qui restait de l'avenir de l'Arménie. 

Après avoir supplié le monde pendant 44 jours, les Arméniens ont découvert qu'ils n'existaient aux yeux de personne, qu'ils n'avaient ni amis ni alliés et qu'ils n'étaient même pas dignes d'être les ennemis de qui que ce soit. 

Il est temps pour l'Arménie de reconsidérer sa place sur l'échiquier géopolitique et d'enfin, assumer ses responsabilités.

Et ceci me laisse l'amer sentiment qu'il est dans l'ADN de l'Arménie de préparer systématiquement le terrain à la désolation et à la tragédie. 

 

Je ne suis pas surpris. 

Je suis juste déçu.