Disparu à l'âge de 47 ans dans de troubles circonstances, Paruyr Sevak né Ghazaryan, poète de son état, aurait eu cent ans ce 24 janvier. Tout à la fois suspect mais très officiellement honoré de son vivant par les autorités soviétiques - et déjà populaire - l'homme et son œuvre, on peut plus actuels, ont trouvé leur juste place au panthéon arménien.
Par Olivier Merlet
Paruyr Sevak aurait eu 100 ans aujourd'hui. À cette occasion, l'éditeur Sevak Ghazaryan, petit-fils de l'écrivain, publie un recueil de 100 poèmes extraits de quatre autres ouvrages : "La voie de l'amour" ("Սիրո ճանապարհ"), "Encore avec toi " ("Նորից քեզ հետ"), "L'homme sur le rivage" ("Մարդը ափի մեջ"), "Que la lumière soit", ("Եղիցի լույս"), le dernier publié du vivant de Paruyr Sevak en 1971. La collection a été compilée par son père, le deuxième fils de Paruyr Sevak, le critique littéraire Armen Ghazaryan, elle présente tout à la fois des œuvres à caractère patriotique, philosophiques et amoureuses. Elles sont également accompagnées de deux annexes, "Le passé au présent", l'autobiographie du poete et l'une de ses dernières interviews par le critique littéraire Albert Aristakesyan, "Quoi, comment et comme".
La journée a été lancée par une cérémonie à la maison-musée de Zangakatun, son village de la province d'Ararat, à une petite centaine de kilomètres de la capitale. Une représentation théâtrale de "L'Homme sur le rivage", sous la direction artistique de Narine Grigoryan, sera donnée dans la soirée au Théâtre Hamazkayin-Sos Sargsyan d'Erevan,
Divers événements seront organisés tout au long de cette année pour marquer le centenaire du poète, des initiatives visant à vulgariser et à diffuser son riche héritage littéraire. Auteur difficile à la poésie complexe, aimé et apprécié encore aujourd'hui mais populaire dès son vivant, Paruyr Sevak non seulement inspire mais aussi fascine par ses œuvres. Digne héritier de Yeghishe Charents, il a été le chantre du renouveau de la poésie arménienne contre la bien-pensance officielle soviétique. « Que la seule règle soit l'irrégularité ! ». Sarcastique jusqu'à l'amertume, sa parole manifeste un désarroi métaphysique qui s'oppose aux formes convenues du réalisme socialiste.
Dénonçant régulièrement la corruption de l'establishment soviétique, trop turbulent, trop libre, il est taxé de "cosmopolitisme" par les autorités de l'époque. Son dernier livre, "Que la lumière soit !" ("Եղիցի լույս"), tenu pour son livre-testament, est imprimé en 1969. Interdit, il ne sera publié qu'en 1971, quelques mois après sa mort. Tiré à 25 000 exemplaires et bien qu'encore largement censuré, il est épuisé en seulement quelques jours, sa version intégrale sera livrée vingt ans plus tard, en 1992.
Alors que cette année marque le centenaire du poète, on se souvient aussi, en Arménie, des circonstances tragiques de sa disparition, à l'âge de 47 ans. Le 17 juin 1971, alors qu'il vient de quitter son village de Zangakatun pour se rendre avec sa femme à Erevan aux funérailles de la mère de cette dernière, sa voiture est violemment percutée par un camion. Le couple est tué sur le coup. Beaucoup veulent y voir la main des services spéciaux, sur ordre des autorités soviétiques.