La culture est toujours intimement liée à l’esprit de la nation qui l'a vu naître. Elle joue un rôle prépondérant dans la vie de l’État et dans la préservation de l'identité nationale, constituant ainsi une forme de combat et une raison d’être. Les valeurs intangibles de la culture-l’âme du peuple exprimée en musique, en images et en mots-doivent aussi être défendues. En ces temps troublés que l’Arménie traverse actuellement, elles constituent aussi d'autres armes, inattendues, qui lorsqu’elles sont bien gérées peuvent répondre à de nombreuses problématiques.
L’une des tâches prioritaires de l’État devrait donc être la création des conditions favorables au développement de la culture nationale à travers l’établissement d’un cadre législatif approprié et de mesures pratiques aptes à répondre judicieusement aux défis posés. À ce titre, le renforcement des liens entre la République d’Arménie et la diaspora arménienne, porte-étendard de cette culture à travers le monde, la Francophonie, fenêtre ouverte vers l’international dont notre pays est membre de plein droit, représentent autant de vecteurs qui ne peuvent être que profitables au rayonnement de l'Arménie.
Alors, pourquoi se battre si ce n’est pour préserver et développer le meilleur de nous-mêmes ?
Dans une lettre ouverte adressée au prochain gouvernement arménien, toujours en cours de formation, Serge Avédikian, comédien et réalisateur franco-arménien, artiste engagé, énonce clairement les problèmes et renvoie les responsables politiques face à leurs responsabilités.
Le Courrier d'Erevan se fait aujourd'hui le relais de cette initiative et vous invite à rejoindre ce combat qui est le nôtre pour un avenir durable de la culture arménienne.
Lettre ouverte au prochain gouvernement, en formation, en Arménie
L’Arménie, comme tous les autres pays du monde, a besoin de sa culture et de son évolution pour rayonner. Les Arméniens dispersés dans le monde, tout comme les Arméniens d’Arménie, continuent, chacun à sa façon, de contribuer à l’évolution de celle-ci. Il se trouve que la République d’Arménie est cloisonnée géopolitiquement et entourée de pays parfois hostiles à sa culture multipolaire.
En ce sens, l’Arménie se doit de mettre sa culture millénaire et en même temps contemporaine encore plus en avant. Les raisons sont multiples et viennent de loin : les Arméniens aiment les arts, quels qu’ils soient, musique, danse, théâtre, cinéma, peinture, sculpture, chant, littérature, poésie et aussi l’artisanat, c’est-à-dire l’art qui se travaille avec les mains. C’est grâce à l’expression de tous ces arts réunis que ce pays dominé, divisé et ce peuple dispersé a réussi à sauver sa culture et sa langue.
Pour toutes ces raisons, l’Arménie doit de se doter d’un ministère de la culture et des arts, car ce secteur peut se développer de façon exponentielle et apporter beaucoup à l’ouverture de l’Arménie au monde.
Bien entendu, c’est aussi un secteur qui peut économiquement créer des emplois, du mouvement, de l’ouverture et donner la possibilité aux jeunes générations de s’exprimer le plus librement possible. L’économie générée par la culture et les arts peut être l’équivalent d’une « industrie lourde », si elle est bien menée. Notamment dans les secteurs du cinéma, de la musique, du théâtre, de la danse, mais aussi de la littérature liée à la traduction et à l’édition de textes originaux.
Un ministère de la culture est fait pour réguler, proposer, mettre en rapport et en relation, subventionner autant que faire se peut et permettre à toutes les initiatives, positives et constructives, de pouvoir se réaliser. En ce sens, la relation entre la diaspora et la République d’Arménie peut aussi être une plateforme dans ce domaine. Celle-ci peut accélérer le processus de création et de circulation dans le monde tout en impulsant une dynamique très spécifique et universelle.
Plus qu’un ministère pour contrôler, ce ministère se doit d’être à l’écoute et analyser les développements possibles de toutes les individualités ou groupes qui proposent des projets entre diaspora et Arménie, soutenus par des Fondations, en lien avec la culture arménienne et en lien avec les pays dans lesquels ils évoluent. La Francophonie peut permettre aussi une grande ouverture et des partenariats plus directs avec tous les pays francophones en Europe (France, Belgique, Suisse), en Afrique (Algérie, Maroc, Tunisie, Sénégal, etc.), au Canada (Québec).
Il est bien sûr nécessaire que ce ministère soit doté d’un budget conséquent et de personnes compétentes pour pouvoir faire face au développement culturel nécessaire qui sera rentabilisé assez rapidement par tous les projets en cours et en ébullition, si ceux-ci sont menés à bien.
Le tourisme culturel étant un secteur important aussi, car l’Arménie a une histoire riche et spécifique dans cette région du monde, une des branches de ce ministère pourrait être vouée au développement de celle-ci en lien avec la culture et l’histoire. Cette réflexion est faite pour permettre à ce ministère d’être opérationnel puisque l’économie en Arménie ne pourrait peut-être pas supporter actuellement un ministère de la culture à lui tout seul.
Serge Avédikian
Le 18 juillet 2021