Vardan Oskanyan, ex-ministre arménien des Affaires étrangères (entre 1998 et 2008), a publié sur sa page FB le plaidoyer suivant:
Mes années d'expérience diplomatique me permettent de dire avec confiance que lorsque les opinions des intermédiaires et de la communauté internationale se solidifient, il est très difficile de les combattre et de les changer à l'avenir. C'était le cas même lorsque nous étions dans une position gagnante et dominante. Aujourd'hui, alors que nous avons perdu la guerre, que nous sommes démoralisés et que nous sommes dans une tourmente politique interne, il est beaucoup plus difficile de faire face à de telles situations car cela exige un effort inhumain.
De sérieux processus se déroulent aujourd'hui autour de nous, derrière notre dos. En raison des résultats de la guerre et de l'inaction qui se poursuit encore aujourd'hui, de nouveaux stéréotypes destructeurs sont apparus pour nous, qu'il devient de plus en plus difficile de briser.
Ils reposent sur trois arguments : a) le problème du Haut-Karabakh est résolu, b) le Karabakh est le territoire de l'Azerbaïdjan où vivent les Arméniens et où l'on peut écouter leurs problèmes de droits de l'homme, et c) il est temps de regarder vers l'avenir. En témoignent les rumeurs qui circulent dans les cercles politiques et diplomatiques aux États-Unis et dans l'Union européenne, ainsi que les déclarations du président de l'Azerbaïdjan et de hauts fonctionnaires turcs.
Le cours de la politique étrangère, en particulier le processus du Haut-Karabakh, a changé. Maintenant, quand il commence à prendre de l'élan, nous ne marchons pas de côté en essayant de sauter, nous sommes debout. Ce train est sur le point de quitter la gare si nous ne nous mettons pas à courir et à sauter rapidement avec lui.
À cette fin, nous devons travailler sur trois fronts : diplomatique, militaire et droit international.
Diplomatie
Sur le plan diplomatique, la partie arménienne devrait très rapidement clarifier sa position de principe sur la question du Haut-Karabakh. À mon avis, elle devrait être fondée sur les dispositions suivantes ․
1․ La déclaration du 9 novembre reflète la situation qui prévalait à ce moment-là en raison des hostilités dans le Haut-Karabakh et ses environs. Son contenu n'est pas l'expression de la volonté de la République d'Arménie, mais l'expression d'une situation imposée par la force militaire.
2․ Le statu quo créé par une action militaire ne pourra jamais servir de base à une paix durable dans la région ou à l'établissement de relations de bon voisinage entre pays voisins. Tout comme le statu quo établi par la guerre en 1994 n'a pas été la base de la paix pour les vingt-cinq prochaines années, la situation créée par cette guerre ne peut être la base d'une paix durable pour les années à venir.
3․ La partie arménienne n'a jamais eu d'ambitions et n’en aura pas à l'avenir, sur les territoires qui ne lui appartiennent pas, mais elle s'occupera avec zèle et constance de tout ce qui lui appartient légitimement.
4․ La réalisation du droit du peuple du Haut-Karabakh à l'autodétermination sur son propre territoire restera la question principale de la politique étrangère de la République d'Arménie, comme c’était le cas dès le premier jour de l'indépendance.
Une fois ces principes promulgués, notre diplomatie doit travailler activement, en coulisses, avec nos acteurs clés dans notre région pour les étayer et les consolider, en mettant l'accent sur la coopération avec la Russie, mais aussi avec d'autres parties prenantes.
Militaire
Afin de contribuer à cet effort diplomatique, un organisme national doit être créé, composé de personnes originaires d'Arménie, de l'Artsakh et de la diaspora, qui sera chargé de développer et de mettre en œuvre un programme de relance, de réarmement et de réhabilitation de l’armée arménienne.
Naturellement, la situation dans la région a beaucoup changé. Nos défis actuels et futurs ont changé. La structure de cette armée, son armement dans son ensemble devraient correspondre aux défis et à la situation nouvellement créée. Elle doit être différente de l'armée classique ou conventionnelle, pour devenir une armée beaucoup plus mobile, précise et déterminée.
Droit international
Dans le domaine du droit international, il est également nécessaire de créer un organe national, à nouveau composé de représentants de l'Arménie, de l'Artsakh et de la diaspora. Des mesures sérieuses doivent y être prises, les institutions juridiques internationales doivent être impliquées pour résoudre la question du retour des prisonniers, condamner l'utilisation d'armes chimiques par l'Azerbaïdjan pendant la guerre, et préserver les trésors culturels arméniens dans les territoires sous contrôle azerbaïdjanais.
Si nous voulons que nos adversaires, nos amis et voisins, et la communauté internationale nous écoutent, nous respectent, nous perçoivent comme un acteur régional, nous devons nous engager dans ces trois directions pour commencer à obtenir des résultats le plus rapidement possible. De plus, si cet entêtement interne et cette inactivité externe se poursuivent, je suis profondément convaincu que dans un avenir proche, nous serons confrontés à la destruction du reste de l'Artsakh, à l'expulsion des Arméniens de Syunik et même à sa perte.