Le marché de Noël de IWAY

Société
05.12.2024

Ce dimanche 1er décembre, entre ses nombreux autres préparatifs de Noël, la ville de Erevan a vu le douzième marché annuel de L'Association Internationale des Femmes de Erevan (IWAY) se dérouler. Cette organisation, entièrement autofinancée, à but non lucratif, apolitique et non religieuse, rassemble, sur une base exclusivement volontaire, des femmes de diverses nationalités résidant et travaillant en Arménie.

 

Par Ninon Brenans, crédit photos Paul Loussot

Si la dynamique internationale de IWAY s’est grandement développée ces dernières années, avec l’arrivée de nombreuses femmes venues de l’international et par conséquent de nouveaux savoirs et de nouvelles expertises, cette internationalisation s’est aussi vue lors du Bazaar, avec la participation de pas moins de quinze ambassades, et de nombreuses ONG.

Le point commun des femmes d’IWAY est l’envie d’avoir une voix, d’apporter une contribution au pays, quand elles ne peuvent pas forcément l’avoir ailleurs”. Caroline Consten, bénévole de longue date à IWAY. “Cette ouverture à l'international donne une nouvelle dimension, une nouvelle force aux actions de l’association. Depuis deux ou trois ans, nous avons pu monter en puissance [...] et financer des projets très importants. C’est ce cas notamment de l’école d’Anipemza”. En bordure de la Turquie, à 20km de Gyumri et construite en 1932 par des prisonniers soviétiques, cette école n’avait pas été rénovée depuis. Outre les dommages encore très visibles du tremblement de terre de 1988, il n’y avait toujours pas de chauffage ou d’eau courante pour les enfants. “Quand on est arrivés là bas ça faisait 20 ans quasiment qu'il y avait des trous dans le toit, et donc quand il pleuvait ou qu’il neigeait, tout rentrait dans les murs et dans les bâtiments. On a donc changé toutes les fenêtres des deux étages, pour qu'à minima, les enfants ne soient pas frigorifiés dans les classes.

 


Caroline Consten

 

C’est donc en partie les bénéfices du marché, couplé aux dons, qui permettent le financement de projets qui renforcent des infrastructures sociales, dans le but final d’améliorer la qualité de vie des femmes et des enfants des provinces plus reculées et frontalières d’Arménie. IWAY ne fonctionnant qu’avec des volontaires, c’est 100% de l’argent récolté qui est ré-injecté dans des projets de développement. “Même les cafés des réunions sont payés par les bénévoles !” plaisante Caroline. Ainsi, chaque membre de l’association participe concrètement, tout comme les exposants du marché, qui paient leur table mais conservent le produit de leurs ventes. Ce sont par ailleurs ces mêmes bénévoles qui votent et élisent les projets - que l’on peut soumettre jusqu’au 31 décembre - qui seront financés et soutenus.

 

 

Au final, la grande mission d’IWAY est de garder les villages reculés ou proches de frontières vivants, dynamiques, pour accueillir une éducation correcte pour les enfants. Nous ne voulons pas que les familles soient forcées de déménager vers Erevan ou ailleurs ; les habitants de ces villages sont là depuis des siècles, et ont droit à l’éducation, au confort - si on peut appeler du chauffage un confort…

 

En exemples des actions de l’association sont cités la construction de toilettes au sein des écoles, de rénovation hygiéniques des cuisines scolaires, ou encore l’éradication de moisissure des salles de sieste des enfants ; comme le dit Caroline, des nécessités plus que du confort.

De plus en plus, IWAY allie ses forces à celles d'autres ONG, d’associations, ou du gouvernement, afin d'augmenter leur champ d’action, de répartir les tâches, et de créer une logique d’entraide cruciale. Cela permet d’augmenter le budget, et de répondre au mieux aux besoins stipulés par les écoles ou les organisations.

 

 

Nous essayons de ne plus faire ça en solo, mais de coopérer et de mutualiser les choses. Il ne faut plus maintenant que chacun fasse sa besogne dans son coin : changer les mentalités et les modes de fonctionnement est nécessaire. Cela demande du temps, de la collaboration, mais il faut mettre de côté nos égos pour le bien et le développement du pays : pour une Arménie forte, pour que la jeunesse soit équipée pour les challenges de demain.

 

Regroupés autours du thème de  l’« Arménie Verte et Vie Saine», le développement durable et la promotion d’un mode de vie plus sain étaient à l’honneur. Les visiteurs, les 90 exposants, missions diplomatiques et ONG se sont donc réunis autour de ce sujet d' importance mais toujours complexe en Arménie. Par l’action du refus d'utiliser les sacs plastiques lors du marché, Caroline et plus largement l’association espèrent mettre en lumière l’effet des petits gestes sur le progrès écologique. Les sponsors étaient d’ailleurs majoritairement venus du milieu du développement durable, à l’image de My Forest Armenia, ou de ISSD. Si les organisateurs espèrent évidemment que ce marché a été le lieux de nouveaux échanges et de sensibilisation, ils restent conscient de la difficultés d’aborder ce thème lors d’un marché de Noël.

 

Il est nécessaire d’instaurer ou de mettre en lumière les lieux adéquats pour aborder le sujet de l’écologie et de la vie saine ; c’est une éducation qu’il faut continuer à pousser et à construire, car l’Arménie peut devenir un des pays précurseurs du mouvement”.

 

Le marché annuel de l’IWAY, déjà reconnu pour sa portée locale et internationale, aspire néanmoins à encore plus de visibilité afin de mettre en lumière l’impact de cette association et la richesse des initiatives qu’elle soutient. À travers des événements tels que celui-ci, c’est non seulement une source de financement pour des projets essentiels dans les villages reculés qui est créée, mais aussi une opportunité de renforcer la résilience et la qualité de vie de communautés souvent oubliées. Car maintenir ces villages vivants, avec des conditions de vie dignes et une éducation suffisante, n’est pas qu’une question de justice sociale : c’est aussi un enjeu stratégique pour l’Arménie.

 

 

Au-delà des infrastructures, IWAY souhaite également ouvrir ses portes à davantage de jeunes exposants et d’artistes émergents, afin de refléter l’entrepreneuriat et la créativité qui représentent l’Arménie de demain. En trouvant un équilibre entre fidélité et renouveau, l’association aspire à rayonner non seulement sur le territoire, mais aussi à l’international, avec une vision optimiste et moderne. “On veut que notre Arménie soit vraiment représentée, et pas uniquement à travers le côté triste du passé, mais représentatif du futur, de l'entreprenariat, de la créativité”.

Enfin, la participation de nombreuses ambassades témoigne de la capacité d’IWAY à transcender les divisions, dans un contexte diplomatique souvent complexe. Ce marché devient alors un espace de dialogue, de paix et d’espoir, rappelant que, derrière les tensions politiques, les peuples aspirent à un futur de coopération et d’harmonie. Une mission ambitieuse, mais essentielle pour construire une Arménie plus forte et tournée vers l’avenir.