ALIPH veut financer la protection du patrimoine arménien

Diasporas
20.05.2022

Protéger l’héritage culturel arménien est la raison invoquée de l’arrivée ce samedi à Erevan de Valery Freland, président d’ALIPH, une fondation dont l’action cible les vestiges patrimoniaux menacés dans des zones en conflits armés.

 

Par Anna Aznaour, notre correspondante à Genève

Quelque 80 millions de dollars étatsuniens, c’est le budget de cette fondation créée à Genève en 2017 à l’initiative de la France et des Émirats arabes unis. Comme son nom - Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflits (ALIPH) www.aliph-foundation.org - l’indique, cette institution s’engage pour la préservation et la restauration des trésors nationaux. Active dans 30 pays à travers le monde, elle a, jusqu’ici, soutenu 150 projets en y investissant 45,4 millions de dollars. Sans compter son financement de 75 projets rien qu’en Ukraine, pour un montant de 2 millions de dollars. Pour ce qui est du Sud Caucase, l’Arménie est le seul des trois pays de la région qui n’ait, pour le moment pas bénéficié de soutien. En préambule à sa visite de travail à Erevan, et la rencontre attendue avec le Premier ministre Nikol Pashinyan, le président d’ALIPH Valery Freland a accepté de répondre à nos questions.

 

- Comment faites-vous concrètement pour remplir votre objectif de sauvegarde du patrimoine?

Pour remplir sa mission, ALIPH doit être en mesure d’identifier des partenaires sur le terrain (ONG, institutions culturelles ou patrimoniales, etc.) ou prêts à se rendre dans une zone de conflits. À cet égard, il est généralement nécessaire d’obtenir l’autorisation des autorités qui contrôlent les zones en question, afin que les initiatives de protection du patrimoine puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Elles sont complémentaires de ce que peut faire, sur le plan politique, la Communauté internationale, et notamment les Nations Unies et ses organisations, en vue de rappeler aux belligérants leurs obligations en matière de protection du patrimoine. C’est ce qu’a notamment fait la Cour Internationale de Justice le 7 décembre dernier.

 

- Pourtant, votre fondation n’a aucun projet relatif à la protection des vestiges séculaires arméniens d’Artsakh malgré leur destruction massive par l’Azerbaidjan. Pourquoi ?

Depuis l’été 2020, ALIPH est pleinement mobilisée en faveur de la protection du patrimoine du Haut-Karabagh, dans sa diversité culturelle, religieuse et historique. Ainsi, dès novembre 2020, nous avons proposé de financer une mission d’état des lieux à travers la documentation en 3D du patrimoine de cette région. Ce projet, qui était porté par plusieurs organisations patrimoniales internationales, n’a pu aboutir. S’agissant du Haut-Karabagh, il existe plusieurs initiatives universitaires visant à documenter la situation et l’évolution de son patrimoine. Nous sommes en contact avec certaines d’entre elles, et notamment celle de l’Université de Durham, que nous finançons et qui s’inscrit dans le cadre d’un programme plus global intitulé EAMENA, ou encore l’équipe de recherche qui a créé le site https://monumentwatch.org

 

- Y a-t-il déjà eu une soumission de projet de la part de l’Arménie ou d’Artsakh, que vous n’avez pas retenu pour x raisons ? 

ALIPH finance des projets présentés dans le cadre de deux types de procédures : des appels à projets annuels ou, pour les mesures d’urgence, tout au long de l’année. Les projets qui nous sont soumis sont évalués par le Secrétariat d’ALIPH, puis par le comité scientifique de la fondation, qui les évalue au regard de 5 critères (champ de compétence d’ALIPH, pertinence, qualité, faisabilité, soutenabilité). Ce Comité formule ensuite des recommandations au Conseil de fondation, qui décide des projets retenus. Jusqu’à présent, le Conseil de fondation a toujours approuvé les projets recommandés scientifiquement. ALIPH a reçu très peu de projets portant sur le patrimoine du Haut-Karabagh, peut-être parce que c’est très compliqué d’y intervenir actuellement.

 

- Que faire alors ?

L’objectif de ma visite en Arménie du 21 au 27 mai 2022 est de m’entretenir avec les autorités du pays et de rencontrer les professionnels arméniens de la protection du patrimoine. Notre souhait est d’être en mesure d’identifier des projets concrets de protection du patrimoine qu’ALIPH pourrait financer.