Les nouveaux visages de l’Europe

Actualité
08.07.2019

Après d’infinies tractations, l’Union européenne (UE) a finalisé son casting de dirigeants à la tête de ses institutions. Le plus connu des autorités arméniennes est sans doute le chef du gouvernement belge Charles Michel, 43 ans, que le Premier ministre Nikol Pashinyan a déjà eu l’occasion de rencontrer à Erevan et Bruxelles. Il présidera désormais le Conseil européen, l’institution qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement et définit la politique de l’UE.

Par Anne-Marie Mouradian

La Belgique, petit pays fracturé politiquement et linguistiquement, au point de paraître parfois ingouvernable, maitrise à merveille l’art du compromis et des négociations incroyablement complexes. Ce fameux sens belge du compromis sera utile au sein de l’UE, de plus en plus éclatée idéologiquement et géographiquement entre Européens de l’Ouest et de l’Est.

Les Arméniens, pour leur part, savent gré au Premier ministre Charles Michel d’avoir, il y a quatre ans, reconnu le génocide de 1915 malgré les réticences de son ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, soucieux de ménager la Turquie.

Autre poste de prestige, celui de chef de la diplomatie européenne est attribué à  Josep Borrell, 72 ans, le ministre socialiste des Affaires étrangères d’Espagne. Européen convaincu, il a été de 2004 à 2007, président du Parlement européen et avait réitéré à l’époque la demande de cette institution à la Turquie de reconnaître le génocide et lever le blocus de l’Arménie. L’un de ses défis, comme Haut responsable de la politique étrangère, sera d’essayer de sauver l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien. Borrell a déjà exprimé son ferme soutien à l’Iran dans son bras de fer avec les Etats-Unis.

Quant à la Commission de Bruxelles, organe exécutif de l’UE, elle sera pour la première fois de son histoire, présidée par une femme. Le candidat socialiste néerlandais Franz Timmermans a été recalé, entre autres par le groupe de Višegrad qui réunit quatre Etats d'Europe centrale (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie). « M. Timmermans n'est pas acceptable à nos yeux. Nous voulons une personnalité qui n'a pas une perception négative de notre région », a expliqué le Premier ministre tchèque Andrej Babis. Contesté à l’Est, Timmermans était par ailleurs perçu comme l’un des principaux architectes de l’approche « marchandage » avec la Turquie sur la question de l’immigration.

Les 28 lui ont préféré la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, 60 ans, une francophile et francophone proche d’Angela Merkel et appréciée par Paris.

Quelle que soit la personnalité qui la dirige, la Commission de Bruxelles a toujours montré une frilosité extrême concernant la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens. En revanche, c’est elle qui gère concrètement l’accord de partenariat entre l’Europe et l’Arménie (CEPA) de même que les nombreux programmes qui y sont liés comme Erasmus+ monde. Erevan suivra de près la désignation du successeur de Johannes Hahn comme commissaire européen à l'élargissement et à la politique de voisinage.

Enfin, le Parlement européen élu le 26 mai a nommé à sa tête l’eurodéputé social-démocrate italien de 63 ans, David Sassoli, ancien journaliste et opposant dans son pays au gouvernement populiste de Matteo Salvini. Prochainement, l’institution renouvellera les membres européens de la délégation parlementaire UE-Arménie et de l’Assemblée Euronest (réunissant des députés européens et des parlementaires d'Arménie, Géorgie, Ukraine, Moldavie, Biélorussie, Azerbaïdjan).

Ce sont donc à tous niveaux, de nouveaux interlocuteurs que les responsables arméniens rencontreront lors leurs discussions avec l’Union européenne.

A noter par ailleurs, que les grandes formations politiques européennes vont au-delà des groupes qu’ils représentent au Parlement européen et peuvent même intégrer des membres qui ne sont pas dans l’UE. Plusieurs partis arméniens en font partie comme observateurs, selon leurs affinités politiques. Ainsi, le Parti républicain d’Arménie, « Etat de droit » (Orinats Yerkir), et « Héritage » sont tous trois membres observateurs du Parti populaire européen (Centre droit, Démocrates Chrétiens) La Fédération révolutionnaire arménienne - Dachnaktsoutioun est membre observateur du Parti des socialistes européens. Enfin, l’Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe, rebaptisée « Renew Europe », compte en son sein le Congrès national arménien et « Bright Armenia », tandis qu’« Arménie prospère » de Gaguik Tsarukyan est affilié à l’eurosceptique Alliance des Conservateurs et Réformistes en Europe.