L'UFAR, en partenariat avec l'université Toulouse III, lance à la rentrée de septembre sa première promotion de master en intelligence artificielle.
Par Olivier Merlet
Ça y est ! Le master en intelligence artificielle de l'université française en Arménie est devenu réalité - absolument pas virtuelle - et dès le mois de septembre, les futurs ingénieurs des sciences de l'information inaugureront sa toute première promotion. Les sélections ne sont pas encore tout à fait bouclées mais ils devraient être une quinzaine d'étudiants à la rentrée prochaine, admis à suivre ses cours de spécialité et se former aux dernières innovations en la matière.
L'avant-garde de la prochaine génération d'informaticiens en Arménie
Organisé en partenariat avec l'Université de Toulouse III-Paul Sabatier, ce programme va permettre aux jeunes talents du clavier de se plonger dans l'un des domaines les plus actuels et les plus évolutifs de l'industrie d'aujourd'hui (de demain !) pour se positionner comme l'avant-garde de la prochaine génération d'informaticiens en Arménie. La formation sera sanctionnée par deux diplômes, l'un français délivré par l'université toulousaine, conjoint au diplôme arménien de l'université française.
Kristina Sargsyan, doyenne de la Faculté d'informatique et de mathématiques appliquées, rappelle que le cursus traditionnel se compose de deux cycles. Le premier, de niveau licence, propose un enseignement général dont le but est de transmettre aux étudiants toutes les compétences et connaissances fondamentales en la matière. Leur acquisition permettra d'appréhender le second cycle, le master en informatique lui-même, dont l'intelligence artificielle est l'une des spécialisations. « Au terme de leur deuxième année de master, ils soutiendront un mémoire de fin d'études incluant un rapport sur un stage pratique en entreprise ou de recherche dans un laboratoire scientifique. Les cours en Master sont dispensés exclusivement en anglais. Il reste malgré tout primordial pour nous en tant qu'université française de favoriser un environnement culturel et académique francophone et les étudiants sont tenus d'apprendre le français comme langue étrangère pendant leurs études. C'est aussi une ouverture supplémentaire vers davantage de possibilités d'obtention d'un stage à l'étranger ».
Si le domaine de l'intelligence artificielle, infiniment vaste, s'inscrit au sein des spécialités des technologies appliquées de l'information, elles-mêmes innombrables, le master préparé à l'UFAR oriente ses élèves dans trois directions principales.
"Natural language", "Computer vision" et "multi-agent system", en français dans le texte !
La première concerne les systèmes robotiques faisant appel à divers supports d'aide à la prise de décision, tous basés sur l'intelligence artificielle. Le "Natural language processing" ou traitement automatique de la langue naturelle dont se sert aussi le fameux "Chat GPT" figure comme l'un de ces outils.
La "computer vision", deuxième corde à l'arc des compétences ufariennes, vise à optimiser l'utilisation et le développement des processus de traitement graphique ("graphic processing") des images satellites par exemple ou de la reconnaissance faciale. Appliquée à l'agriculture, par exemple, elle permet ainsi - mais entre autres ! - d'affiner les prévisions météorologiques ou de proposer en temps réel une réponse et des conseils adaptés sur la conduite à tenir de façon à limiter les dégâts en cas de calamité naturelle. Les domaines militaires, bien sûr, sont également client de ces technologies, ceux de la sécurité, civile ou privée, la surveillance des flux de transport, et cætera.
Dernier objectif enfin, le "multi-agent system", autorisant différentes modélisations de la réalité par le biais d'un "agent intellectuel", l'élaboration d'un support d'aide à la décision ("Decision support system") par différents modèles utilisant l'intelligence artificielle.
Lorsque l'on interroge la doyenne de la Faculté d'informatique de l'UFAR sur les premières qualités du profil type de "l'étudiant en intelligence artificielle", Kristina Sargsyan répond sans hésiter : « la curiosité et la discipline, parce que sans discipline il n'y a aucune chance de succès, dans quelques spécialité que ce soit d'ailleurs». Ensuite, dit-elle, il faut savoir faire preuve d'un raisonnement logique solide, démontrer des connaissances en probabilités mathématiques et une bonne compréhension des logiques de construction des algorithmes, tout spécialement ceux utilisés comme modèles pour l'intelligence artificielle, bien sûr.
« Ainsi que je l'explique lorsque je dois présenter notre programme, nous adoptons une approche très pratique de l'enseignement ». Dans un premier temps, il s'agit de transmettre les fondamentaux afin d’acquérir les compétences essentielles, mais très vite, il faut passer au développement des applications, passer du théorique à la pratique. « C'est une belle opportunité pour chaque étudiant de mettre à profit sa curiosité pour appliquer les connaissances fondamentales et concevoir des applications dans différents domaines, des outils nécessaires qu'il pourra utiliser plus tard pour réussir en tant qu'entrepreneur de start-up ».
À 21 ans, Gayane Kharatyan vient de décrocher sa licence en informatique qui va lui permettre l'an prochain de poursuivre ses études en master. Pour elle, le choix de son orientation ne faisait aucun doute. « La filière informatique propose un enseignement poussé en mathématiques tout en laissant une large part à la créativité personnelle. J'apprécie d'autant plus cette liberté qu'elle est nécessaire pour mener à bien les recherches et les expérimentations lorsque l'on se lance dans des projets d'application. Il faut étudier les versions qui existent, proposer les siennes…. La formation de l'Ufar est essentiellement pratique beaucoup plus que théorique. Son fonctionnement me convient tout à fait et me permet d'obtenir de bons résultats ».
Grâce à ses compétences techniques mais aussi linguistiques - Gayane est une francophone accomplie - la jeune étudiante a pu décrocher un stage en France au sein du groupe Infodis dirigé par Vighen Papazian, sur un projet d'intelligence artificielle. C'est avec eux qu'elle a découvert sa vocation. « J'ai travaillé sur le traitement du texte naturel au cours d'un stage chez Infodis. Je n'avais pas beaucoup de connaissances au départ, mais j'ai vite compris que cela m'intéressait beaucoup et que je voulais en faire ma spécialité. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai choisi ce master. Ce nouveau stage m’a permis de mettre en œuvre mes connaissances pratiques et de développer encore mon expérience afin de pouvoir continuer en Arménie ensuite. C'est un nouveau métier, encore peu développé, je suis très curieuse de comprendre comment cela fonctionne et j'ai hâte de pouvoir y apporter mes contributions. Beaucoup reste à faire et beaucoup de choses sont à notre portée ».
Le dada de Gayane ? Le "NLP", en langage geek cette fois, le "Natural language processing", déjà évoqué plus haut. « Un travail d'analyse à partir de textes et de voix humaines », précise Gayane, la machine doit comprendre ce que disent les humains et comment ils le disent, ou l'écrivent. C'est l'un des principes utilisés par Chat GPT, mais en beaucoup plus développé. Associé à certains systèmes de "graphic processing " comme la reconnaissance des mouvements et des réactions, la formalisation de la transcription de la parole permet par exemple, au sortir d'une réunion de travail, d'éditer en temps réel un rapport précis, et nominatif de tous les échanges entre les participants, mais aussi de renseigner en plus sur la façon dont ils ont été perçus et vraisemblablement interprétés par les interlocuteurs respectifs, en fonction de leurs réactions et gestuelles comportementales au cours des discussions »…
Une attention et une demande particulière de la part du gouvernement
La jeune femme tout comme la doyenne de sa filière sont conscientes des interrogations éthiques qu'accompagnent toutes ces innovations, et admettent que leur développement devrait parfois être cadré et régulé. De nombreux pays se sont déjà dotés de commissions à cet effet. C'est le cas de la France notamment, qui essaie d'y apporter les réponses appropriées au travers d'organisme comme la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés qui existe depuis près de 50 ans et surtout du tout récent Comité national pilote d'éthique du numérique, le CNPEN, créé de nécessité il y a peine 4 ans, un an tout juste après la reconnaissance et le lancement par le gouvernement français d'une une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle.
« Il n'y a pas encore en Arménie de stratégie spécifique, comme en France, sur la façon de travailler avec l'intelligence artificielle », note Kristine Sargsyan, « par contre, il existe une demande particulière de la part du gouvernement arménien qui a lancé une initiative gouvernementale sous le patronage du Premier ministre. Un groupe de spécialistes en charge d'étudier et de définir les besoins du pays planche actuellement sur la systématisation des connaissances et des compétences en intelligence artificielle. Nous bénéficions également, toujours par décision du gouvernement, d'un report de deux ans du service militaire de nos étudiants qui choisissent cette spécialité. Le gouvernement a besoin de spécialistes dans ce domaine et fait tout pour le promouvoir ».
La filière est porteuse et elle séduit. Mais à l'UFAR qui tient à en préserver le caractère élitiste, les places sont chères et limitées. « Pour cette rentrée, nous aurons 10 à 15 étudiants pour commencer, mais je pense que nous nous fixerons un maximum de 24-25 car de par sa spécificité et sa complexité, elle ne permet pas d'accueillir un très grand nombre d'étudiants ». La doyenne de la faculté informatique et maths appliquées reconnaît d'ailleurs volontiers : « le programme est très dur, la sélection aussi, mais pas impossible »…
La brochure présentant le Master en Intelligence artificielle est disponibles sous ce lien