La Cour constitutionnelle a estimé le 26 septembre que les objectifs nationaux établis dans la Déclaration d'indépendance de 1991, notamment ceux liés à la réunification du Haut-Karabagh avec l'Arménie, n'ont aucune force juridique vis-à-vis de la Constitution arménienne.
Par Olivier Merlet
« Donner force juridique à toute disposition de la Déclaration [d'indépendance] en dehors du champ d'application directement établi par la Constitution de la République souveraine, démocratique, sociale et juridique d'Arménie [représente] un risque potentiel de « dualisme constitutionnel », et transformera la Déclaration en un « parent dévoreur d'enfants » […]La Cour constitutionnelle conclut que la disposition du préambule de la Constitution « fondée sur les principes fondamentaux » [ceux] de l'État arménien et les objectifs nationaux établis dans la Déclaration d'indépendance ne font référence à aucun principe ou objectif non fixé par la Constitution ».
Chargée initialement d'examiner la validité de l'accord signé avec l'Azerbaïdjan sur les activités des commissions d'État pour la délimitation des frontières, la Cour Constitutionnelle a « estimé nécessaire de savoir dans quelle mesure le principe posé à la base de la détermination du territoire de la République d'Arménie (« frontières existantes » au sens de la Déclaration d'Alma Ata de 1991) correspondait à la Constitution ».Elle s'est donc penchée sur la question qui fâche du côté de Bakou : celle de « l'influence possible » de la Déclaration d'indépendance sur le contenu de la Constitution, « compte tenu de la décision du 1er décembre 1989 "Sur la réunification de la RSS d'Arménie et du Haut-Karabagh" ».
Rendu public il y a quelques jours, le document compte 33 pages de verbiage juridique relativement complexe. Son interprétation aura demandé un peu de temps avant que la controverse ne prenne forme parmi les experts constitutionnels et les politologues, qui y voient une démarche politique visant à apaiser les craintes de l’Azerbaïdjan en vue de l'éventuelle signature du "traité de paix".
Pour le constitutionnaliste Vardan Poghosyan, la décision de la Cour Constitutionnelle est une « honteuse » car elle désavoue des principes fondateurs de l'État arménien inscrits dans la Déclaration d'Indépendance, dont la réunification avec l'Artsakh. La Cour jugeant que les « objectifs nationaux » non repris dans le texte constitutionnel lui-même n'ont plus aucun poids juridique, elle envoie, selon lui, un signal fort à l'Azerbaïdjan, « garantissant qu'elle n'opposera pas la Déclaration d'indépendance comme obstacle juridique à un possible accord de paix ».
La Cour a également estimé que la Déclaration ne peut pas être utilisée pour justifier d'un "dualisme juridique" entre celle-ci et la Constitution, cette dernière primant sur tout autre document, y compris la Déclaration d'Indépendance, pour encadrer les relations d'État à État. Gohar Meloyan, juriste et co-fondatrice du "Centre pour le Développement du parlementarisme » y voit là le renoncement à la question du Karabagh et considère même que cette décision mine les principes mêmes de l’indépendance arménienne.
À la tribune de l'Onu la semaine dernière, le Premier ministre Nikol Pashinyan, avait laissé entendre que si un accord de paix venait à contredire la Constitution, des modifications constitutionnelles seraient nécessaires pour le ratifier. La Cour constitutionnelle s'aligne donc sur les positions défendues par le chef du gouvernement, lui permettant de faire valoir de nouveau auprès de Bakou, que la Déclaration d'Indépendance de l'Arménie ne saurait constituer un obstacle aux négociations en cours.