La rencontre des dirigeants arméniens et azerbaïdjanais au Royaume-Uni n'a pas eu lieu, son "format" en serait la cause.
Par Olivier Merlet
Interrogés dès leur arrivée au palais de Blenheim sur l'avancement des négociations et leur éventuelle rencontre, les deux chefs d'État arménien et azerbaïdjanais se sont refusés à toute déclaration, Ilham Aliyev se contentant, l'air ravi, d'un pouce levé de la main droite.
En début d'après-midi, Ikmet Hajiyev, premier conseiller du président azerbaïdjanais affirmait par voie de presse que la partie arménienne avait refusé la tenue d’une réunion avec le dirigeant de Bakou. Erevan a réagi une heure plus tard en publiant sur la page Facebook du ministère des Affaires étrangères un démenti formel. Ani Baldayan, sa porte-parole rejetant toute responsabilité de cette annulation sur la partie adverse. « La partie arménienne a proposé d'organiser une réunion bilatérale entre le Premier ministre arménien et le Président de l'Azerbaïdjan dans le cadre du sommet de la Communauté politique européenne au Royaume-Uni, mais la partie azerbaïdjanaise a rejeté cette proposition. La proposition de la partie arménienne est toujours valide ».
Alors que d'aucuns prédisaient une issue positive et imminente du dialogue engagée par l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour normaliser leurs relations, ce qui apparait comme un coup de frein brutal du processus ne serait dû, selon certains analystes arméniens, qu'à une question de "format". L'initiative de ce rendez-vous, en marge du sommet politique de l'Union européenne, revenait en effet au nouveau Premier ministre britannique, Keir Stramer, hôte de l'évènement. C'est à lui, bien sûr, que serait revenu la tâche d'ouvrir les débats avant de laisser les intéressés discuter seul à seul, tout comme Olaf Sholz l'avait fait à Munich en février dernier.
La proximité des relations et surtout des intérêts de Londres et de Bakou, anciens et privilégiés, aurait pu faire craindre à Nikol Pashinyan, déjà en position de faiblesse vis-à-vis des surenchères incessantes de l'Azerbaïdjan, de se laisser entrainer à de nouvelles concessions. La présence à Blenheim de Charles Michel, d'Emmanuel Macron et d'Olaf Sholz, protagonistes des accords de Prague il y a deux ans et de Grenade à l'automne dernier, auraient sans doute davantage mis en confiance le Premier ministre.
A-t-il suggéré la tenue d'un tel format avant de rencontrer Ilham Aliyev, préalable que celui-ci se serait empressé de rejeter ? Seul le premier cercle des collaborateurs du Premier ministre présents en Angleterre pourrait y répondre. C'est en tous cas ce qu'affirme Bakou. « Lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le chancelier allemand Olaf Scholz a participé au début de la réunion, qui s'est ensuite poursuivie dans un format bilatéral entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Le Royaume-Uni a proposé le même format en tant qu'hôte, mais la partie arménienne a refusé ». L'Azerbaïdjan a désormais beau jeu de jeter la pierre à l'Arménie en lui prêtant « l'intention de se retirer du dialogue et de l'avancement de l'agenda de la paix », dixit Ikmet Hajiyev.
En fin d'après-midi hier, Jeyhun Bayramov, le chef de la diplomatie azérie a rencontré son homologue britannique David Lammy. Rapportant ses échanges, il a longuement vanté l'excellence de la « coopération réciproquement bénéfique [entre leurs deux pays] notamment dans le secteur de l'énergie, de l'éducation et des liens humanitaires, et de l'importance majeure de de leur partenariat commercial ». Il a aussi évoqué le processus de paix
S'il a lui aussi tenu l'Arménie pour responsable du rendez-vous avorté, il a toutefois fait remarquer « les progrès significatifs dans les négociations avec l'Arménie sur le texte de l'accord de paix ». C'était également pour rappeler qu'en dépit de tout cela, « la Constitution et les actes législatifs de ce pays continuent de revendiquer l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Azerbaïdjan, ce qui constitue le principal obstacle au processus de paix ».