Selon un article publié par l'agrégateur financier "armbanks.am", le dram arménien est devenu parmi l'une des monnaies les plus appréciées au monde en 2022, se renforçant de 10 à 20 % en glissement annuel par rapport au dollar américain.
Par Eugène Dantser
Pour Martin Galstyan, président de la Banque centrale d'Arménie, l'arrivée massive de citoyens russes en Arménienne après le début de "l'opération spéciale" en Ukraine et la mobilisation partielle explique en partie le phénomène.
Selon les services d'immigration, 786 000 citoyens russes sont entrés sur le territoire arménien en 2022 et 744 000 en sont repartis, soit, en théorie, un peu plus de 40 000 ressortissants qui se sont installés dans le pays cette année, deux fois et demi plus nombreux que les 16 000 de l'an passé. Ces Russes nouveaux-venus en Arménie ne sont pas venus les mains vides mais les poches plus ou moins pleines des devises nécessaires à leur subsistance. Cet afflux massif a provoqué la saturation du marché et la baisse en conséquence du taux de change de ces devises par rapport au dram. Le phénomène durera aussi longtemps que ces gens décideront de prolonger leur séjour en Arménie. Au cours des dix premiers mois de 2022, les transferts de "banque à banque" vers l’Arménie se sont ainsi élevés à 2,8 milliards de dollars, selon les données du "Financial Monitoring Center" de la Banque centrale d’Arménie ( son Centre de surveillance financière), soit près de quatre fois plus qu'en 2021, .
La plupart des ressortissants russes apportent avec eux des roubles, pas des dollars, mais les banques arméniennes, afin d'éviter les risques, ne veulent pas détenir de positions ouvertes dans cette monnaie; à savoir en recevoir davantage qu'elles n'en redistribuent. En raison de l'instabilité économique dans la région, nul ne peut prédire à terme les fluctuations du rouble. Si une banque collecte aujourd'hui, à titre d’exemple, 10 millions d'excédent en rouble, combien vaudront-ils dans un mois ? Les banques préfèrent donc limiter le risque et essaient de fermer leurs positions de change, c'est-à-dire d'équilibrer leurs actifs et leurs passifs dans les différentes devises qu'elles détiennent. Sur cette base, les roubles excédentaires sont souvent destinés à l'achat de dollar américain, ce qui crée un afflux supplémentaire de cette monnaie dans le système financier, explique Armen Nurbekyan, chef du département macroéconomique de la Banque centrale d’Arménie.
Un assouplissement tangible de la situation monétaire en Arménie est possible en 2023, dans un contexte de ralentissement attendu de l'inflation, renchérit Nurbekyan. La monnaie locale continuant à bien se porter grâce à l'afflux de fonds en provenance de Russie et à l'amélioration des soldes extérieurs.
Certains risques pourraient toutefois attendre au tournant l’économie arménienne en 2023. Sofya Donets et Andreï Melashchenko, experts pour la Russie et la CEI auprès de la banque d'investissement "Renaissance Capital", avancent que ces aléas pourraient être liés à des entrées de capitaux plus faibles en provenance de Russie ou à un ralentissement mondial plus important conjugué à une baisse du prix des matières premières. Des opportunités d'une dynamique plus forte par rapport aux prévisions pourraient malgré tout être associées à des flux commerciaux et financiers régionaux plus forts ainsi qu'à une hausse du prix mondial des matières premières, y compris de celui de l’or.
