Le rideau est retombé sur le "Golden Apricot", 18ème festival International du film d'Erevan. L'affiche était belle et la récolte généreuse.
Par Olivier Merlet
C'est "Pebbles", premier film du réalisateur indien PS Vinothraj qui remporte l'Abricot d'or de la sélection internationale. Ce court long-métrage d'à peine d'une heure dix raconte le voyage de quelques kilomètres d'un père maltraitant, parti avec son fils chercher la femme battue qu'il a chassé. Sous un soleil caniculaire, dans la poussière d'un quasi désert, le petit garçon suit son bourreau de père sur ce qui ressemble à un chemin de croix sans réelle destination. Malgré une intrigue on ne peut plus simple, ce film, déjà primé d'un tigre d'or à Rotterdam, aux Pays Bas en février dernier, rivalise d’ingéniosité et d’audace pour parler de la pauvreté et de la précarité d’une très modeste famille dans le sud de l’Inde.
Christine Harutunian, jeune réalisatrice et scénariste arménienne de Los Angeles, remporte quant à elle le prix du court métrage "Apricot Stone". "World", son film de fin d'études à l'université d'UCLA, a été tourné dans un village reculé de la campagne arménienne. Claudette s'y est installée pour s'occuper de sa mère alitée et mourante. Cette comédie dramatique de 22 minutes, noire et désordonnée, illustre le déchirement de la jeune femme, perdue entre son désir de vie et son devoir de fille. Celui d'une société arménienne peut-être, dans toute sa complexité et ses contradictions, tiraillée entre des traditions et une exigence sociale prégnante, voire "fatalitaire" et le souhait - l'obligation - d'émancipation.
Autre ambiance, autre décor, toujours en court-métrage: à 230 mètres sous la terre, "Storgetnya", de Hovig Hagopian fait se croiser dans un monde hors du temps des vies sans horizon. Tourné au fond de la mine de sel d'Avan, en périphérie d'Erevan, cette production franco-arménienne a été saluée d'un Abricot d'argent.
Dans une autre catégorie, celle prix des Gaiff pros, Shoghakat Vardanian, une jeune pianiste et future réalisatrice, s'est vue remettre par l'industrie cinématographique arménienne, une bourse d'un montant d'un million de Drams pour son projet "1489", mise en images de l'histoire de son frère, mort à la guerre au Karabakh l'automne dernier. Sans esclandre, ni polémique, Shoghakat s'est excusée très poliment de décliner cette récompense également dénommée "Prix du Premier Ministre".
Si la raison d'être de ces Abricots d'or est avant tout de promouvoir une production régionale, arménienne et eurasienne, le cinéma français était malgré tout très représenté à ce Golden Apricot. Ses productions et co-productions étaient nombreuses, une quinzaine, dont 8 en compétition, sur la cinquantaine de films projeté. Un hommage a été rendu à Henri Verneuil et Jean-Paul Belmondo, disparus cette année. Philippe Jalladeau, grand découvreur de cinémas lointains, et Francois d'Artemare, producteur de Manoel de Oliveira aux "Films de l'après-midi", faisaient partie du jury.
« Qu'est ce qui fait un bon film ? du bon cinéma ? C'est très difficile à définir, mais quand on voit du bon cinéma, on le sait tout de suite ». Francois d'Artemare revient sur le choix du palmarès : « Quand on aime le cinéma, quand on fait du cinéma, les images qui ont un sens, c'est quelque chose qui nous touche. Je ne sais plus qui a dit le cinéma a tout perdu lorsqu'il est devenu parlant. Nous avons essayé d'accorder plus de sens au langage de l'image elle-même qu'à l'histoire ou aux dialogues ».
Palmarès du 18e Golden Apricot – Festival international du film d'Erevan :
Sélection internationale :
Abricot d'Or : "Pebbles", de PS Vinothraj, Inde
Abricot d'Argent "Downstream to Kinshasa (En route pour le milliard)", de Dieudo Hamadi, Congo/France/Belgique.
Mention spéciale du jury. "A New Old Play" de Qiu Jiongjiong, Hong Kong/ France)
Panorama régional :
Prix FIPRESCI - Peter van Bueren : "Taming the garden", de Salomé Jashi, Suisse/Allemagne/Géorgie.
Apricot Stone – Prix du court métrage :
Abricot d'Or : "World" de Christine Haroutounian, USA/Arménie.
Abricot d'Argent : " Storgetnya", de Hovig Hagopian, France/Arménie
Prix spécial : "Handstand", d' Ovsanna Shekoyan, Arménie.