Décision de la CEDH: l'Azerbaïdjan a violé la Convention en libérant Ramil Safarov

Région
27.05.2020

Mardi le 26 mai, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), à Strasbourg, a estimé que les actions de l'Azerbaïdjan dans l'affaire du meurtre du soldat arménien Gurgen Margaryan par l’officier azerbaïdjanais Ramil Safarov constituaient une violation de deux articles de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu publique sa décision dans l'affaire « Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie » sur le meurtre de l'officier arménien Gurgen Margaryan en 2004. La plainte a été déposée auprès de la CEDH par deux citoyens arméniens - Hayk Makuchyan (né en 1975) et Samvel Minasyan (né en 1958), qui n’est plus en vie, et est représenté par sa veuve et ses deux enfants.

L'Azerbaïdjan a été jugé pour la violation des articles 2 et 14 de la Convention européenne sur le droit à la vie et l'interdiction de la discrimination. La décision stipule que l'Azerbaïdjan a déraisonnablement omis de prévoir une peine d'emprisonnement pour son officier qui a commis un crime motivé par la haine ethnique, qu'il a été gracié et que sa promotion a été assurée. L'Azerbaïdjan n'a pas été en mesure de réfuter les allégations de discrimination.

Dans le même temps, la CEDH a refusé de considérer l'Azerbaïdjan comme responsable du crime de Safarov. La violation fait référence à la grâce de Safarov après son extradition vers Bakou - il s'agit d'une « non-exécution injustifiée » de la peine pour meurtre. Le crime lui-même - le meurtre d'une personne endormie avec une hache - a été décrit par la cour comme un crime de haine à motivation ethnique. Le deuxième accusé dans cette affaire était la Hongrie, dont les autorités ont extradé Safarov vers Bakou, mais la Cour européenne des droits de l'Homme n'a constaté aucune violation dans les actions de Budapest.

Ainsi, la CEDH a jugé que :

- Il n'y a pas eu de violation significative de l'article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l'homme par l'Azerbaïdjan.

- L'Azerbaïdjan a commis une violation de procédure au titre de l'article 2 de la Convention.

- La Hongrie n'a pas commis de violation procédurale au titre de l'article 2 de la Convention.

- L'Azerbaïdjan a violé l'article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination) en combinaison avec la violation de l'article 2.

- Ni le gouvernement de l'Azerbaïdjan ni celui de la Hongrie n'ont violé l'article 38 de la Convention (obligation de fournir les conditions nécessaires à l'examen de l'affaire).

L'Azerbaïdjan est obligé de compenser aux plaignants les frais encourus (15 143 £).

L'Azerbaïdjan a tenté à plusieurs reprises de justifier ses actions conformément aux dispositions légales de la Convention d'extradition du Conseil de l'Europe. De nombreuses tentatives ont été faites, à la fois pendant le procès en Hongrie et plus tard devant la Cour européenne, pour justifier les troubles mentaux et le stress de Ramil Safarov en Azerbaïdjan. Mais cette justification n’a pas été acceptée.

Le représentant de la République d'Arménie auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, Yeghishe Kirakosyan, estime que la décision de la CEDH est un grand pas en avant.  « Il est très important de souligner que la cour a enregistré la violation de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Interdiction de discrimination par l'Azerbaïdjan », a-t-il souligné. Il a regretté que le tribunal n'ait pas fourni l'attribution, ce qui présupposerait l'attribution du crime commis par la personne à l'État. Kirakosyan pense qu'il y avait suffisamment de preuves pour que la CEDH puisse donner des évaluations claires.

Il est à noter que la présente décision n’est pas définitive. Toute partie peut former un recours dans les trois mois à compter de la date de publication du jugement. Si l'une des parties dépose une telle poursuite, la commission de cinq juges examinera si l'affaire mérite un examen plus approfondi. Si la demande est rejetée, ce jugement entrera en vigueur le jour du rejet.

Meurtre et grâce

En 2004, une formation de l’anglais a eu lieu à Budapest, dans le cadre du programme « Partenariat pour la paix » de l’OTAN. Le programme avait pour but de développer les liens entre les différents pays de l’ex-URSS. Une nuit, dans le dortoir où étaient hébergés les militaires participant à ce projet, Ramil Safarov, officier de l’armée azerbaïdjanaise a assassiné à la hache l’officier arménien Gurgen Margaryan.

Il reconnaît lors de son procès que son acte était motivé par les tensions nationalistes entre les deux nations. Il est condamné à la réclusion à perpétuité et commence sa peine en Hongrie.

Il a passé huit ans en prison, mais en 2012, peu après la visite du Premier ministre hongrois Viktor Orban à Bakou, Safarov a été extradé vers l'Azerbaïdjan.

À son arrivée en Azerbaïdjan, l'officier a été immédiatement gracié par le président Ilham Aliyev, a reçu un appartement de la part de l'État, une promotion et un salaire pour les années qu'il a passées en prison.

Le meurtre et les événements qui ont suivi ont eu une forte résonance dans les trois pays. L'Arménie a interrompu ses relations diplomatiques avec la Hongrie en guise de protestation.